Encore Berlin, lundi au petit matin 29 septembre. Je suis trop endormie, je ne profite pas comme la première fois de tout ces murs d'immeubles que nous longeons, peints, ornés, support ironique ou artistique, ou de la saleté de la vie.
Les valises sont trop lourdes. J'accompagne ma soeur qui emménage ici pour l'année, nous nous posons dans un café. Un café qui sent comme chez Dorothée, notre première jeune fille au pair allemande qui a eu l'idée précieuse d'épouser un boulanger-pâtissier-chocolatier vers Cologne. L'Allemagne comme une effluve de pain chaud et de chocolat fumant.
L'agence n'ouvre qu'à 9h. Ma soeur téléphone, il nous faudrait les clefs du studio.
Les valises sont trop lourdes, j'hésite à peine, je l'appelle pour qu'il vienne nous aider.
Il nous accompagne, à l'agence, déjeuner, jusqu'à l'arrêt de métro d'Ikea.
Il est toujours aussi beau, toujours aussi gentil. Toujours aussi insaisissable dans ses intentions.
Ce soir on va boire verre avec un de ses amis, ma soeur est trop crevée, elle reste nous installer un lit dans le studio sale : du plastique d'emballage ikea, des cartons, une couverture amenée de Paris, la housse de son futur canapé-lit, et la couette par-dessus.
On n'a pu ramener que des petites choses à la force des bras (trop de petites choses), pas de livraison ni de meubles aujourd'hui, car Ikea Berlin ne prend pas la carte visa. Véridique. Même si vous croyez au début que c'est une blague.
Il faut une carte EC (electronic cash), visa ils aiment pas.
Cet ami je l'ai vu en juin, et en juillet, et il était à Paris en février aussi. Et en présence d'un tiers re-belote, mon bel allemand prend un rôle de presque boyfriend officiel. A tel point que le copain croira que, enfin, c'est fait.
Oh non rien n'est fait, rien n'est dit. 29 septembre, le jour de ma fête. Qu'une ancienne amie n'oublie pas de me souhaiter par texto. Une amie à qui je ne veux plus parler, et qui ne comprend pas. Une amie qui a vécu en direct sous mes yeux son histoire d'amour walt disney, qui n'a pas voulu admettre que ça changeait forcément (au moins un peu), la distribution autour d'elle, l'importance, l'intimité de nos rapports. Et elle se rappelle à moi le jour où j'essaie de comprendre pourquoi je n'ai pas le droit à ça, pourquoi ça n'avance pas, pourquoi ; genre j'espère que tu vas bien, il faudrait qu'on reprenne contact, je t'envoie juste un petit quelque chose l'air de rien.
Non ça ne va pas. Parce que je resterai éternellement à ce soir, pleine de ses yeux et de son sourire, à minuit passées en haut de l'escalier du métro, à n'avoir pas su assez tôt que c'était à moi d'aller le chercher. Il avait l'air de ne pas vouloir s'arrêter de sourire jamais, et j'ai eu un réflexe idiot en baissant la tête et en descendant l'escalier. La nuit et le froid.
Le lendemain j'oserai enfin demander à ce copain ce qu'il en est. Réponse (in)espérée : si si tu l'intéresses, on en a parlé ensemble. Quart d'heure de bonheur.
Que l'intéressé pourfend de son indécision. Oui il m'aime bien, mais il préfère rêver à d'autres, installées dans son esprit depuis longtemps - et avec qui il n'y a pas de risque que ça se concrétise ?
Au téléphone une semaine après il s'excuse à moitié, il n'a pas assez de sentiments pour moi, mais il ne faut jamais dire jamais estime-t-il.
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