La porte arrière de la cuisine, celle qui mène à l'escalier de service, au 6ème et à ma chambre était encore fermée à double tour.
C'est un réflexe qu'a mon papa je crois, avant de se coucher. 
J'arrive après, devant cette porte, et j'ai le sentiment de n'être pas prise en compte.

Ma soeur revenue pour la semaine occupe le salon.

Plusieurs soirs que je fonds en larmes. Ca ne dure pas trop. Ca fait longtemps que ça n'était pas arrivé.

J'essaye de socialiser, toujours l'impression d'être seule, en dehors du coup. Pas celle qu'on invite. De ma propre soeur et mon propre cousin ça sonnait extrêmement faux. Deux insultes en un.
Je suis sensée avoir fait mes études à Paris, dans mes jeunes années, et j'ai l'impression de n'avoir pas fait mes études à Paris dans mes jeunes années avec ce que ça comporte. De ne pas connaître, d'être à côté encore.
Je n'ai trouvé personne ce soir pour venir avec moi, est-ce que je fais des sorties trop improbables ? Est-ce que je fréquente des gens avec qui je suis trop en décalage ? J'ai pensé au milieu de la représentation que je n'avais pas joint deux personnes qui auraient été plus intéressées, mais peut-être sans résultat.

Je vérifie l'orthographe. Le conjugueur s'ouvre sur "plaire". Cte blague.
Ni à moi ni aux autres.
Trop moche trop mal fagotée et je ne vois aucun remède, je n'appartiens à aucun monde, j'ai mal au ventre, ça me brûle de nouveau, je me tiens mal et mon corps me gêne.
Je re-songe aux griffures. Pour l'instant je m'étonne encore, si j'essaie ça me fait mal, je trouve ça plutôt bon signe, la douleur est encore plus forte que la souffrance. 
Je ne griffe pas, j'imagine que je griffe, ça me fait passer le temps ça me soulage un peu ; j'imagine où je griffe. Le crâne peut-être. Je referme un poing sur mes cheveux tendus au maximum et je reste comme ça le temps du trajet en métro.

Parfois une femme monte, je la vois de dos, elle n'est pas très grande, pas trop mince, les cheveux courts, peut-être a-t-elle des lunettes, des vêtements juste comme ma mère a pu en porter. 

Ca peut arriver plusieurs fois dans la journée, c'est affreux.
Je me suis remise à imaginer que je rentre, ou je descends, ou j'ouvre la porte et elle est là, tout naturellement.
Pourquoi est-ce que vous êtes accompagné et que vous avez vos deux parents.

Mon père connaît par coeur les lignes du métro parisien des années 30. 
J'ai l'impression de ne pas m'y connaître dans les deux (trois) domaines dans lesquels je suis diplômée.

J'ai l'impression que rien ne me fera rattraper ce qu'un caractère triste et chagrin m'a fait rater. Il m'empoisonnera toute ma vie et c'est un cercle vicieux. Quand je fais un pas le monde a fait des bonds.

Je ne devrais pas être là. Je voudrais être quelque part d'autre. Etre.