Mercredi 20 août 2014 à 0:32

Une des trois toilettes du pub s'ouvre enfin, en sort une nana un peu mal fagotée, un peu outrancière, peut-être un peu trop ronde, avec probablement un peu de ventre qui sort entre la jupe trop courte et le haut à paillette, et qui traine au pied un mètre de PQ.
Je lève intérieurement les yeux au plafond de ma boîte crânienne en prenant sa place, ridicule, la juste illustration du manque de classe de ces gens, vraiment, je ne prétends pas moi-même faire des efforts si grands d'élégance - quoiqu'on m'ait déjà dit que je l'étais, et voilà qui prouverait une certaine prestance parisienne non pas innée mais presque automatique, finalement véridique par rapport aux anglo-saxons - mais laisser s'accrocher à sa chaussure, par ailleurs moche, traîner avec soi dans ses pas et surtout ne pas s'en apercevoir !, une aussi longue guirlande difforme et bientôt noircie de ce qui représente dans notre société tout ce qu'il y a de laid et de peu soigné ; je pense aux gens qui dégueulassent les toilettes publiques, je pense à ceux qui laissent du PQ dans la nature, dans les bois, la terre, les arbres, derrière les rochers, visions qui souillent un paysage entier ; non vraiment ça me paraît presque un symbole d'infamie morale.
Le papier toilette abandonné représente tout ce qu'il y a d'irrespectueux, de non noble dans l'attitude, de je-m'en-foutiste, de sale, enfin, dans notre monde, tout ce dont mon éducation m'a heureusement protégée.
J'en étais là de mes réflexions en finissant de me laver les mains, et en sortant des lieux une entrante me dit : attention, vous avez du papier toilette au pied.

Mercredi 13 août 2014 à 0:57

J'ai été avec tout un tas de gars dans ma vie.
Si je rêvasse, me reviennent des bribes, ou des genres de fresques de l'histoire, des moments précis, des sensations, des conversations. Les émotions sont parfois intactes, d'autres fois devenues fades. Certains d'entre eux n'ont plus d'importance. Mais je sais bien qu'ils en ont eu, ce jour-là, ces temps-là, beaucoup.
J'ai fait tout un tas de choses avec chacun, on est parti en vacances, en week-end, on a fait des projets réalistes et des plans sur la comète, on a discuté des nuits entières, on s'est soutenus, engueulés,  on a ri, on s'est souri. J'ai rencontré leurs parents, leurs amis, leurs frères et soeurs, ils sont venus dans ma famille pour les vacances, on a fait des choses insignifiantes mais délicieuses, ils ont pu me faire tourner en bourrique mais aussi me faire tourner la tête avec leurs mots, leurs gentillesses, leurs attentions, leur voix, leurs yeux, leur doux sourire. En me faisant sentir aimée, tout simplement. Ca a été des histoires courtes ou plus longues, quelques fois en dents de scie, quelques fois surtout physiques. Je ne dis pas qu'on ne s'est pas trompés, un peu, beaucoup, et que personne n'a souffert. Ils ont pu être durs avec moi, me faire perdre confiance par moment - ça partait je crois d'une bonne intention, mais je suis trop influençable - ou au contraire m'assurer, me rassurer, tellement, j'en devenais presque sûre de moi, j'y étais presque, j'allais basculer, mais toujours quelque chose me maintenait dans l'incertitude, quand j'avais l'impression de me réveiller et de regarder la situation plus froidement. J'ai parfois l'impression que je ne savais rien à l'époque, que j'étais aveugle et sourde et coupée de la réalité. Des gens. Des échanges sociaux qui ont l'air si évidents pour les autres.
J'ai été avec tout un tas de gars. Je me souviens des émotions quand je n'étais pas sûre, je me souviens de la douceur de découvrir la réciprocité, et les douleurs des réalités qui me rattrapaient. On a vécu des situations plus dramatiques, parfois un peu mélo, quelques incidents, quelques accidents. Les fins qui ne veulent pas finir, la douleur qui traîne, la flamme qui ne s'éteint pas, les retours, les démentis cinglants. Ca finissait toujours dans les larmes, de mon côté en tout cas.
Ca finit toujours dans les larmes.
J'ai été avec tout un tas de gars dans ma vie, mais aucun n'est au courant.
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