"Cet après-midi votre oncle V. est décédé, paisiblement en tenant la main de son épouse et de sa fille aînée."

Le mail arrive encore un peu plus tôt que prévu, mais enfin ça fait un an qu'il est malade, le cycle maison-hôpital-maison s'est accéléré, on s'y attendait. Et il est mort dans la maison de famille léguée par sa mère, chez lui - rare et presque précieux.

En la relisant je sens dans la phrase si factuelle - adverbe excepté - de mon père une approbation, une certaine envie même à l'idée de cette scène. Mourir chez moi, entre ma femme et ma fille, oui. Une envie mélancolique triste.
Il ne pourra pas tenir la main de son épouse, déjà décédée.


Et je réalise soudain, ou plutôt soudain la culpabilité me douche, m'avale, m'inonde, j'ai laissé ma mère mourir toute seule, toute seule, seule dans une chambre d'hôpital au fond d'un service de réanimation, dans le coma, seule, câblée de plastique entourée de métal, d'ombres, de vide, seule, détachée du monde par l'inconscience et notre absence, abandonnée.
Je suis venue la veille, tard, et j'ai fui.
Et j'aurais fui encore si le matin elle avait été vivante encore, j'avais trop peur de voir ça, le passage.
La honte, la honte, et je ne sais pas comment implorer pardon.