Lundi 14 février 2011 à 20:20

Lundi aprem habituel chez eux, les deux petits dans leur chambre, je surveille (surécoute ?) d'une oreille ; les deux grandes et la voisine sur la table pour les devoirs, CE1, CE2, CM1, j'essaie de faire toutes les dictées et/ou exercices en même temps.
Dernière semaine avant les vacances de Noël, fatigue, déconcentration.
Accalmie dans mon rôle de répétiteur, j'en profite pour utiliser vite fait leur ipad, ya panne d'internet chez nous depuis quelques jours, occasion de voir mon courrier.
L'aînée y voit soudain l'opportunité de s'occuper d'autre chose que de ses cahiers, elle se lève, qu'est-ce que tu fais, euh dis donc, tu es autorisée à te servir de l'ipad ?
Oh dis donc mademoiselle, je t'ai sonnée ? 
La seconde d'après les trois filles sont debout. Chorus.
 - Qu'est-ce que tu cherches ? (je suis effectivement sur les pages blanches)
 - Tu cherches l'adresse de ton amoureux ?
 - Fais voir !
 - Tous les garçons c'est son amoureux !


 - Pas Papa quand même.

Je n'ai pas vu ni reconnu à l'oreille laquelle des deux a dit ça. Ca m'a juste pliée de rire (après elles ont attaqué la question du père de la voisine). Ce n'était pas dit de manière agressive à mon égard du tout d'ailleurs, c'était plutôt d'une voix en pleine réflexion, genre : attends, pasque si on dit ça... Exerçons notre esprit logique (j'adore m'émerveiller aux moindres développement de l'intelligence) : papa est un garçon, et donc, attends, voilà, et alors, ben nan :D
C'est bien les filles, les facultés de raisonnement progressent :o)

Lundi 25 octobre 2010 à 15:41

P., 3 ans et quelques, veut boire un peu d'eau après s'être brossé les dents.
Elle m'explique quelque chose de pas très clair mais dans lequel je saisis qu'il faut faire attention à l'eau, faut pas gaspiller, c'est pour l'écologie, la planète tout ça.
Je suis impressionnée et me dis que voilà, la toute jeune génération là, ils sont déjà sensibilisés à ces questions avant même leurs 4 ans. Ca va ravir
Goon je lui raconterai.

Application :
la donzelle soulève donc très légèrement le robinet et laisse couler un filet d'eau.
Elle se tient sur la pointe des pieds sur le marchepied en plastique, le menton sur le rebord du lavabo, les bras tendus, le verre rose au bout des doigts.
Nous attendons patiemment que le verre se remplisse.
A ras bord.
Puis elle en boit une gorgée et vide le reste.


Voui.
C'est ça.
Fallait faire les choses en petit quoi, y'avait de l'idée, c'est pas encore tout à fait ça mais il y a de l'idée.

Vendredi 17 septembre 2010 à 0:54

J'ai commencé plein de rangements dans ma chambre, acheté même pour les anciens cours d'ortho dont les piles n'avaient pas bougé depuis un an des classeurs et des pochettes, j'ai jeté des fascicules, des brochures, je tente de trier aussi des documents dans l'ordinateur, et puis je commence à taper dans d'autres choses.
Comme par exemple ce pot de vernis à ongles qui traîne sur une étagère. Vérifions. Sec, complètement pâteux, inutilisable.
Pfff vraiment, ça vaut rien, alors que je m'en suis servi la dernière fois il y a à peine euh, voyons euh, deux ans et demi quoi.
Pour la soirée du 31 décembre 2007, absolument, j'avais poussé la perfection jusqu'à me faire les ongles, rouge foncé, ça rendait très bien.
Comme ça m'arrive à peu près tous les trois ans, j'avais voulu faire durer cette petite touche colorée, quitte à repasser discrètement sur les écailles. Et je me souviens que cet effort de féminitude n'était pas passé inaperçu.

Au Paris-Carnet de
janvier 2008 déjà, ça l'avait tellement marqué que Palpatine en avait discrètement parlé dans son compte-rendu. Mais on sait bien qu'il a le souci du détail.

Quelques jours plus tard en baby-sitting, Augustin, huit mois, est à plat ventre en turbulette sur le tapis du salon. Il se soulève sur les bras et regarde avec intérêt la main que j'agite devant lui, ainsi font font font. Il tend le bras pour attraper ces doigts qui gigotent, les regarder de plus près, il s'arrête sur la couche rouge et lisse de l'ongle, en porte un à la bouche et tente de mordre dedans pour voir un peu.

Un mardi matin de ce début janvier, dans le service de neuro-gériatrie où je suis en stage, je suis devant Mme D. Elle a 90 ans, une aphasie de Broca carabinée, elle ne peut donc rien dire, on essaye d'évaluer ce qu'elle peut comprendre, elle a une dissociation automatico-volontaire, une hémiplégie droite, elle n'a pas l'air très bien installée dans son fauteuil, elle a sûrement mal partout, la bouche sèche, et je dois absolument essayer de commencer à lui faire (re)produire des sons, première étape de mon boulot. Alors on compte, enfin je compte, j'ai la voix encourageante, je sens qu'elle veut bien s'appliquer mais qu'elle doute franchement du résultat, moi je veux y croire, je lui prends la main pour marteler les chiffres. Et alors je sens qu'elle détourne son regard de mon visage, elle retourne délicatement ma main, ouvre les doigts et dégage mes ongles qui étaient cachés dans sa paume, avec une ombre de sourire.

Lundi 13 septembre 2010 à 23:55

C'est la rentrée, c'est le jour de la rentrée, jeudi 2 septembre, 16h30, foule devant l'école. Les babysitters et les nounous arrivent de la crèche, avec la poussette, on entre dans la maternelle, en ressortant les grands du collège ont envahi le trottoir, premiers conseils de guerre à la sortie du premier jour. Les enfants du primaire passent la tête et se précipitent, nouveaux habits, nouveau cartable, marque des lunettes de soleil encore sur le nez. Beaucoup de parents sont là, se sont libérés quelques dizaines de minutes, quelques minutes parfois pour venir embrasser et demander et voir si ça s'est bien passé, double effectif donc autour de chaque enfant. Effervescence et foule, attente, sourires, espoirs, et les gens en costume et mallette qui sortent du métro et slaloment leur chemin.
On se dégage enfin et partons vers la maison. Les quatre mêmes. Les grandes ont des chemises neuves aux manches trop longues encore, qu'elles ont dû tenir à mettre aujourd'hui, il fait beau, on est encore en jupe comme en juin quand ça allait être la fin. Le dernier a grandi, il compte les marches de la crèche maintenant quand il les descend à pied (ce qui date de janvier dernier) : un, deux, trois, sept, douze, quatre...
Les filles je ne les ai pas vues depuis deux mois. CM1, CE1 et moyenne maternelle cette année. Et je m'entends poser la question qui tue (mais je vous assure qu'en fait on ne fait pas exprès, ça sort comme ça) : "Alors, c'était bien l'école aujourd'hui ?" Je m'en mords les lèvres, tente une autre formulation : "Qu'est-ce que tu as fait à l'école aujourd'hui ?" ou "Elle est gentille ta nouvelle maîtresse ?" Ouais allez tais-toi, laisse-les parler, ou ne pas. Le trajet, la porte, l'escalier avec la poussette, l'ascenseur, autant de moments vécus cent fois. Pas de devoirs ce soir, jeux qui ne dégénèrent pas, j'ai oublié mon bouquin, tellement rien à faire que je leur avance la moitié de la vaisselle. Se retrouver presque chez soi, avec ces enfants que je connais bien, chez ces gens avec qui je m'entends très bien.

Cette rentrée, les demandes de baby-sitting ont plu comme se vendent les petits pains (je ne trouvais pas d'expression à mon goût).
Je crois bien que c'est la première fois que je suis autant sollicitée si tôt en septembre voire fin août. Et c'est la première fois que ce sentiment de "un jour je vais arrêter" se fait clairement sentir. Non, je ne vais pas faire ça toute ma vie.
Et puis je deviens un peu grande peut-être, un peu trop, pour continuer ce petit job commencé parce que j'en avais le goût et que les occasions se présentaient.
Ces années d'expérience, huit ou neuf maintenant, et puis l'âge quand même, me mettent dans une position particulière dont je découvre seulement les côtés gênants. Il y a un couple chez qui je babysitte depuis près de deux ans je pense. Pas très souvent ni très régulièrement, une fille un garçon, trois ans et demi et un an en cette rentrée. Je sais que la maman a fêté ses quarante ans il y a quelques mois, le père je ne sais pas, disons entre trente-huit quarante-deux. Ce qui fait finalement d'eux les gens les plus "âgés" chez qui je travaille. Or ils ont des enfants petits. En fait ce sont des nouveaux parents.
Et c'est là que le rapport âge/expérience devient problématique. Ils ont quand même l'âge qu'ils ont et donc une certaine expérience de la vie, plus que moi, certes. Mais ils découvrent les détails et anecdotes de la vie de parents. Et du coup, dans les conseils ou histoires dont ils m'abreuvent, 85% sont loin (loin) d'être des scoops pour moi vieille routarde. Et je sens que je n'ai plus l'âge de m'émerveiller ou plus la naïveté des débuts de l'apprentissage. Certaines recommandations ou "trucs par eux récemment découverts"  commencent même à m'agacer. Et c'est là que je me dis que ce n'est pas la peine. Certes je ne suis pas parent. Je n'ai pas le 24/24, je n'ai pas le très long terme, je n'ai pas la fatigue, la vie entière autour avec eux au milieu, c'est différent. Mais j'ai quand même une expérience et des connaissances, et si au début ils ont eu l'air presque intimidés, maintenant je m'ennuie ferme. Et je sens qu'on n'a pas trouvé la bonne relation. Si je dis à leur retour "il a beaucoup pleuré", je ne parle pas comme quand j'avais 16 ans avec un air "je ne sais pas est-ce que c'est normal dites-moi", mais c'est comme ça qu'ils me répondent. Et j'ai envie de répéter : "écoute-moi, je te dis ça avec huit ans d'expérience, ton fils a beaucoup pleuré". Vous le connaissez mieux que moi, chaque famille a ses échelles d'évaluation et ses manières de s'exprimer, mais je te dis quand même quelque chose qui n'est pas une question cachée. Ou plutôt si. Le 31 août je les ai gardés la journée entière, en lui changeant sa couche j'ai cru voir quelque chose de nouveau : sur le thorax, une longue et fine cicatrice blanche, verticale, le long du sternum. 
Je n'y ai plus pensé le soir, la fois d'après je n'ai pas osé, mais la fois prochaine je vais demander. Ca par exemple, si l'explication n'est pas des plus simples (ce qui est toujours possible), c'est quelque chose que vous devez me dire.
Et puis il y a les autres choses qui m'agacent. Je suis leur seule et unique babysitter. Ils sortent si je suis libre. C'est gentil mais finalement un peu pesant. Au moment où ils ont mis les deux enfants dans la même chambre (oui ça se fait, non je ne vais pas vous dénoncer à la DDASS parce que vous mettez une soeur et un frère de 3 ans et 6 mois dans la même pièce de 10m²), ils ont commencé à envisager de déménager, dans le quinzième peut-être. Est-ce que vous... (est-ce que je connais des gens dans le 15ème ?), non, est-ce que je viendrais garder les enfants jusque là-bas !! (si si) Vous trouverez des jeunes filles de bonne famille dans ces quartiers pour vous garder vos gamins, ayez confiance. Ou alors vraiment, c'est que où va le monde.
Vendredi dernier au moment où je pars ils m'informent qu'ils rappelleront pour le mois prochain, on voudrait sortir un peu comme ça... (non mais vous faites ce que vous voulez oh, je vais pas retenir vos préoccupations à l'avance. C'est là aussi qu'il y a un rapport de faussé : je suis leur seule interlocutrice pour ce genre d'affaire, et eux sont très loin d'être mes seuls clients, déjà actuellement mais alors si on ajoute tous les couples chez qui j'ai pu passer...). Bon, ils ressortiront, c'est bien pour eux. Et je propose, pour simplifier, de donner un ou deux numéros d'amies intéressées. Pourquoi pas fait la maman, ah non ! j'aime mieux que ce soit vous dit le père.

Le premier truc qui m'est venu à l'esprit c'est dites donc, je vais pas garder vos enfants jusqu'à leur majorité, mais je me suis retenue, parce qu'on risquait effectivement de cesser toute collaboration séance tenante.

J'ai quand même été surprise, parce qu'en parlant d'autres babysitter à mettre à leur disposition j'avais déjà l'impression de faire une suggestion appuyée. Et je n'ai pas du tout réussi à répondre posément et à mettre en avant mon point de vue.
Depuis je ressasse l'histoire avec la situation entière, du coup vous y avez droit aussi.
Et maintenant je vais chercher la manière de me faire comprendre sans être vexatoire ou blessante.

Mais vraiment, un conseil : nouveaux parents, prenez un petit jeune pour garder vos gosses. Vous le formerez à votre goût, et il daubera pas sur vous comme je fais là (je vous jure je fais pas ça d'habitude !! :D), quant à moi, je vais déjà arrêter de prendre des nouveaux gens, avec l'impression de repartir en arrière à chaque fois et de vivre dans un monde où les enfants ne grandissent pas.
Eh bien je préfère les voir grandir, et avoir la suite de leurs aventures.

Lundi 16 août 2010 à 23:04

Comment je m'appelle ?
M., deux ans demain, est assis sur la table à langer, la couche bien scotchée sur les hanches, enfin propre et sec et en pyj et tout. 
- Comment je m'appelle ?
Et je voudrais vérifier s'il connaît mon prénom.
- Toi c'est M. et moi c'est... ??
Mais il préfère pointer le doigt vers les trucs rouges qui ont élu domicile sur mon menton, bien contre mon gré.
- Bouton...
- C'est pas ma question ça bonhomme. C'est quoi mon prénom ?
- Bouton...
- Purée je te babysitte depuis ta naissance, cette année je suis allée te chercher tous les lundis à la crèche, à devoir montrer patte blanche, à attendre le mois de janvier que tu me reconnaisses vraiment et que ça fasse moins kidnapping ; en ce mois de juillet je vais te récupérer tous les jours absolument et tu peux pas trouver mon prénom !?
- Bouton ?
- Non je m'appelle pas bouton, non.
Et là, au moment où je vais me résigner, il baisse la tête et le doigt accusateur qu'il tendait vers mon menton pour pointer mon gilet :
- Boutons !
Oui !! Magnifique, incroyable, que c'est beau, l'émergence d'une conscience métalinguistique comme un lever de soleil éclatant et prometteur sur le cerveau de cet enfant, j'ai la larme à l'oeil. Bravo bonhomme.
Ne jamais désespérer.
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