Mardi 25 août 2015 à 21:33

 
Sur ma peau des cheveux des cils et des veines d'un certain bleu
Parfois sous la peau fine élastique de l'os ou des vaisseaux saillants, les ongles et leurs fameux cuticules
Des replis des bourrelets des taches, des poils de duvet et les autres longs courts 
Sur ma main des ampoules durcies, les traînées si légères des empreintes et des lignes
Une tache de naissance là à droite sur le thorax, des grains de beauté des boutons, des rouges, des noirs des blancs
Des zones plus claires et plus sombres sur ma peau, les pieds plus sales, des cals, d'anciennes ampoules à la peau morte et blanche
Sur mes cuisses les traces roses à cause de la bouillotte trop chaude et puis des vergetures, d'autres grains de beauté, de vieilles cicatrices éteintes au genou et aux mains.
La peau est rose, blanche, verte bleue jaune, légèrement bronzée par endroits
Les marques du pantalon, des sous-vêtements, plis chiffonnés, la trace ronde d'un bouton de ceinture
Sur ma paupière gauche un bouton blanc, les taches des lunettes sur mon nez, des cernes, leur forme leur couleur la peau fine, au cou la peau douce et épaisse des bien nourris.
Et sur le tendre de la gorge, les ongles encore ont créé des zones sombres.

Je les sens sous le tissu et croirais les poumons y prenant leur air.

Mercredi 13 août 2014 à 0:57

J'ai été avec tout un tas de gars dans ma vie.
Si je rêvasse, me reviennent des bribes, ou des genres de fresques de l'histoire, des moments précis, des sensations, des conversations. Les émotions sont parfois intactes, d'autres fois devenues fades. Certains d'entre eux n'ont plus d'importance. Mais je sais bien qu'ils en ont eu, ce jour-là, ces temps-là, beaucoup.
J'ai fait tout un tas de choses avec chacun, on est parti en vacances, en week-end, on a fait des projets réalistes et des plans sur la comète, on a discuté des nuits entières, on s'est soutenus, engueulés,  on a ri, on s'est souri. J'ai rencontré leurs parents, leurs amis, leurs frères et soeurs, ils sont venus dans ma famille pour les vacances, on a fait des choses insignifiantes mais délicieuses, ils ont pu me faire tourner en bourrique mais aussi me faire tourner la tête avec leurs mots, leurs gentillesses, leurs attentions, leur voix, leurs yeux, leur doux sourire. En me faisant sentir aimée, tout simplement. Ca a été des histoires courtes ou plus longues, quelques fois en dents de scie, quelques fois surtout physiques. Je ne dis pas qu'on ne s'est pas trompés, un peu, beaucoup, et que personne n'a souffert. Ils ont pu être durs avec moi, me faire perdre confiance par moment - ça partait je crois d'une bonne intention, mais je suis trop influençable - ou au contraire m'assurer, me rassurer, tellement, j'en devenais presque sûre de moi, j'y étais presque, j'allais basculer, mais toujours quelque chose me maintenait dans l'incertitude, quand j'avais l'impression de me réveiller et de regarder la situation plus froidement. J'ai parfois l'impression que je ne savais rien à l'époque, que j'étais aveugle et sourde et coupée de la réalité. Des gens. Des échanges sociaux qui ont l'air si évidents pour les autres.
J'ai été avec tout un tas de gars. Je me souviens des émotions quand je n'étais pas sûre, je me souviens de la douceur de découvrir la réciprocité, et les douleurs des réalités qui me rattrapaient. On a vécu des situations plus dramatiques, parfois un peu mélo, quelques incidents, quelques accidents. Les fins qui ne veulent pas finir, la douleur qui traîne, la flamme qui ne s'éteint pas, les retours, les démentis cinglants. Ca finissait toujours dans les larmes, de mon côté en tout cas.
Ca finit toujours dans les larmes.
J'ai été avec tout un tas de gars dans ma vie, mais aucun n'est au courant.

Mercredi 15 mai 2013 à 0:44

Cela fait plusieurs semaines que je suis absente de la maison familiale, que je ne peux plus que l'imaginer, mine de rien port d'attache qui nous rassure d'exister. Je suis absente et j'y pense avec tous mes souvenirs. Et mon cerveau ne peut plus actualiser, tous les jours, chaque heure chaque minute chaque demi-journée chaque semaine, qu'elle n'est pas là.

Je suis à deux doigts d'être persuadée que ma maman est à la maison, c'est bien simple, je l'y vois.

Et j'attends un message d'elle. Un appel, une lettre, sa voix de quelque part dans mon oreille, son visage qui me sourit. Je la vois m'ouvrir ses bras et que je pose ma tête sur sa poitrine, pour me réconforter un peu.
Je crois qu'elle va venir me voir. Je crois que mon cerveau me joue des tours.
J'attends un message de ma maman et c'est un peu douloureux.





L'autre jour en travaillant je suis tombée sur cet article en cherchant complètement autre chose :
Ma mère est morte, pas Kafka.
Je crois que ça explique pourquoi j'étais assez mal le soir, je me sens déjà du côté des gens qui ne savent plus quoi dire face aux pertes des autres, tout en voulant pouvoir encore hurler que personne n'a été à la hauteur, mais surtout la description administrative est tristement véridique, et doublement épuisante en paperasse labyrinthique et en claques émotionnelles. Et c'est mon père qui a été en première ligne en fait pour tout ça, j'ai la vague impression qu'il arrivait à s'en protéger de manière plus lointaine et plus efficace, mais en fait, je ne sais pas.
Et même en deuxième ligne c'est un très mauvais souvenir.

Samedi 1er octobre 2011 à 12:13

 
"On différencie traditionnellement la douleur, atteinte de la chair, et la souffrance, atteinte de la psyché. Cette distinction commode est ambiguë en ce qu'elle oppose sans ciller le corps et l'homme comme deux réalités distinctes, faisant ainsi de l'individu le produit d'un collage surréaliste entre une âme et un corps.
[...]
La douleur est toujours contenue dans une souffrance [...]
Mais si la souffrance est inhérente à la douleur, elle est plus ou moins intense selon les circonstances. Un jeu de variations existe de l'une à l'autre. La souffrance est une fonction du sens que revêt la douleur, elle est en proportion de la somme de violence. Elle peut être infime ou tragique, elle n'est jamais mathématiquement liée à une lésion [...].

Dans des circonstances différentes, par une sorte de sacrifice inconscient, elle offre le paradoxe de protéger l'individu d'une menace terrifiante de destruction de soi, la scarification délibérée est ainsi un paravent contre une souffrance intolérable. Muriel, 16 ans à l'époque, est amoureuse d'un garçon toxicomane souvent en prison pour ses trafics divers. Elle apprend qu'il est à nouveau en garde à vue. Assise sur un banc dans un jardin public elle prend un morceau de verre qui traîne et elle inscrit sur sa peau les initiales de son copain : "T'es tellement malheureuse au fond de toi-même. C'est le chagrin d'amour, tu vois. T'es tellement malheureuse dans ton corps, alors tu te fais mal pour avoir une douleur corporelle plus forte, pour ne pas sentir ta douleur dans le coeur. Tu vois un peu comment c'est ?" Il s'agit alors de se faire mal pour avoir moins mal. Prendre l'initiative de la douleur est une manière de combattre une souffrance qui, elle, est sans contrôle possible."

David Le Breton - Anthropologie de la douleur - Métailié, 2006 - pp. 224-225.


C'est mieux dit. Ou alors c'est le soulagement de le voir compris de l'extérieur.

Vendredi 4 février 2011 à 2:05

Tu aurais pu faire ta crise d'ado plus tôt, non mais vous me fatiguez là. Je fais ce que je peux. Je demande un avis factuel et on me répond à côté de la plaque ; et j'hésite encore je crois : j'aurais honte de le regretter mais je sais qu'il y a un risque, alors je voudrais juste savoir si ça m'irait, de manière purement physionomique, je n'ai rien à cirer de vos avis sur mon style ou mon inadéquation ou mon retard ou je ne sais quoi, merde.
Vous me faites chier.
Je suppose que je suis incompréhensible mais quand même j'aimerais bien que quelqu'un tente. Je n'ai vu personne pendant des semaines et des semaines, j'ai carrément supprimé mon compte twitter et personne n'a remarqué. Je regarde mes griffures s'estomper mais les gens trouvent ça encore très visible, demandent, et ne sont pas foutus de comprendre ce que c'est. Si j'explique on me regarde comme une malade. Mais parmi vous en fait non, personne n'a rien vu, rien dit. Pas rendu compte probablement que j'avais disparu des écrans. S'en foutent. Et me demandent d'un coup si je suis au courant de ce qui est arrivé à machin et machinette la nuit du 31. Je vous réexplique que je n'ai eu contact avec aucun d'entre vous depuis le 10 décembre ? 

Je croyais être en train de dénouer mes propres problèmes, et je découvre que j'essaye en fait de régler des affaires qui viennent de ma grand-mère au moins. Qui me reproche d'autres choses d'ailleurs. Et de toute façon elle n'a aucune idée, et de toute façon elle s'en foutrait, elle se moquerait, elle ne verrait pas le problème et c'est bien vrai, c'est pas si grave, chochotte.

L'impression que personne n'a rien suivi, l'impression d'être toute seule. Est-ce que ça s'arrête à un moment, même temporairement ? J'ai trouvé ça sympa un moment je crois mais pour l'instant j'ai du mal ; mais j'ai quand même un peu peur, sur quelles bases repartir ?

J'alterne entre le ya pas de raison que je ne puisse pas l'intéresser et le je ne vois pas pourquoi je l'intéresserais.

Tout le monde s'en fout, je sais vous êtes occupés, vous avez d'autres trucs plus sympa à faire, votre affection est engagée ailleurs. 

Et je me lis écrire les mêmes choses qui ont l'air de conneries ridicules que tous les ado qui bloguent, et je vois bien que je fais du chantage.

Et j'ai eu mal mal mal au ventre cette après-midi, dans le labo universitaire de ma directrice de mémoire. J'ai pu tenir assez longtemps à ne rien montrer, et à un moment la douleur déborde, j'ai vu flou, j'ai entendu ouaté, je ne tenais plus bien debout, j'ai été obligée de demander à m'allonger. Comment se faire remarquer à sa première visite. 30 minutes à gémir de douleur dans la salle commune. Ils ont été tous très gentils.
Le retour a été un peu dangereux encore aussi, le bus, la 13, la 14. Crispée, fantomatique, chancelante ; j'ai senti tout le long des yeux attentifs fixés sur moi, de voyageurs inquiets, et ça m'a rassérénée. Some do care about me.
On a commencé à établir une convention de stage avec le labo pour que je reçoive une gratification dont le montant me paraît mirobolant, j'ai imaginé ce que ça me permettrait de faire, et maintenant j'ai peur que ça coince quelque part.

Je dors de nouveau dans le salon depuis quelques nuits, parce qu'il faisait 10 samedi soir, et lundi j'en ai eu marre de dormir crispée. Se réinstalle la subtile balance entre dormir tendue dans le froid ou bien ne plus avoir d'endroit à moi et squatter le salon de l'appartement avec quelques affaires dans un coin.

Et j'ai des ennuis de sécu qui me stressent, et je ne comprends rien à l'attitude de mes parents, et j'ai perdu des feuilles de soin je crois, et eux ont perdu ma déclaration de médecin traitant, et se sont trompés dans les remboursements, et le gars s'en fout, revenez quand vous aurez le décompte, et j'ai quelques centaines d'euros dans la nature et j'ai l'impression que je ne les récupèrerai jamais.

C'est quoi cette histoire d'appareil dentaire ?
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