Samedi 20 novembre 2010 à 22:41

Si je ne m'en occupe pas ça va s'arrêter si je ne m'en occupe pas ça va s'arrêter si je ne m'en occupe pas ça va s'arrêter.
Ou si je dédaigne ça va s'arrêter.
Méthode élaborée pour survivre à plus de quinze ans, vingt ans d'assauts agressifs et colériques de la soeur qui me suit, quinze mois de moins pour l'éternité, et qui est devenue je crois un trait de caractère - à moins que ce ne soit l'inverse.
Et je réalise soudain que ça ne marchera pas sur la directrice de mon master. Elle ne se lassera pas. Mais comme jusque là c'est mon mode de fonctionnement par défaut j'ai été un peu surprise, et j'ai secrètement espéré.
Je devrais tout faire pour qu'elle ne devienne pas ma directrice de mémoire je sais.

Je n'ai pas besoin de partir à l'autre bout du monde, je peux ne pas être là en étant physiquement présente, docteur es.

Sinon j'ai attaqué mes mollets au couteau en plastique, comme j'ai vu ma soeur faire depuis si longtemps. Et j'ai gratté comme je l'ai vue faire tant de fois, et j'ai vu sur mes propres jambes les boutons comme la chair de poule piquée de rouge qui sont si souvent sur les siennes. Et puis j'ai mis de la crème.

Dimanche 14 novembre 2010 à 23:49

J'ai cru à une trêve.
Une pause, un armistice, un cessez-le-feu, une suspension, une interruption, une halte, un repos, un intervalle, un silence, un répit, une station, une accalmie, une possibilité de détente, de relâche, une éclaircie, une cessation temporaire des combats, une coupure, une discontinuité, un intermède, une prise par opposition à une reprise. Une petite accroche, une petite corniche sur le mur, où souffler.

Un espoir.

Mais les paliers sont petits, trop petits, "ce n'est pas ce que vous vouliez" - et ce docteur-à-oreilles qui veut toujours avoir raison - ben nan tiens, gros malin, mais ça change pas tellement de d'habitude.

Je suis un peu dans les vappes pour le moment, shootée, anesthésiée, pour quelques jours, détournée du sujet ou de son absence par d'autres problèmes.
Un couloir d'hôpital, masque et gants ce soir, un corset comme une armure qui entrave et coince et maintient, jusqu'au menton à placer précisément dans l'encoche. Une fac, un mémoire, des conventions, un décret, des réponses qui se voudraient insolentes et qui se doivent d'être diplomatiques.

Il n'a pas de nom, pas de lieu, sa voix qui s'éloigne son visage aussi même s'il fut ravivé.
Et il va falloir déclencher ces combats nouveaux mais je me vois hésiter. J'attends encore. Dans le flou et la fatigue.

L'impression de la peau qui gratte pour que je puisse tout enlever tout effacer, en arrachant peut-être. Ne plus maîtriser, les petits boutons rouges, la sensation bosselée, le cuir chevelu. La nuque aussi tendue, ne rêver que de s'allonger.
La non maîtrise du piano aussi. Je ferai mieux, il faut absolument que je fasse mieux la prochaine fois c'était pas possible.

Mardi 2 novembre 2010 à 0:45

Mais pourquoi je cogite autant ?
Est-ce ma manière d'appréhender le monde ? De sentir le réel ? D'être sûre que j'existe, que je vis, que ça m'arrive ?

Et là voyez, plutôt que de tenter de ne pas cogiter (ahah, comme si), je préfère faire de la méta-cogitation, c'est plus sûr comme moyen de m'éloigner de mon objet de cogitation premier, le truc qui m'étreint le cerveau ou plutôt la conscience.

Pourquoi je cogite sur les choses comme ça. Est-ce vraiment ma seule manière de me sortir des évènements, ou de pouvoir prendre une décision ; à quoi est-ce censé me servir d'ailleurs, quel est le but ?
J'ai l'impression qu'il s'agit de désamorcer, de tout bien visiter en détail, faire le tour de cette chambre noire et laisser bien tout démonté, dans l'espoir que la vérité ou la réponse en sorte. Ou bien qu'en tout cas surtout ça ne pourra plus bouger tout seul ; je cogite pour vérifier bien de quoi il est question, je vais visiter tous les couloirs, tous les rouages, ou j'essaye, je cogite pour épurer un peu la vase, pour la séparer des merdes d'oiseau qui sont tombées dedans après.
Il faut beaucoup d'eau pour tout ça.
L'eau qui tient le marasme au fond, l'eau sur laquelle est tombée la fiente. 
De l'eau pour les recueillir, pour les séparer, pour les nettoyer, pour les diluer, l'eau qui reste, qu'il faut tenter de recycler.
Cogiter pour épuiser le sujet peut-être, l'effacer, le noyer, l'amoindrir le ramollir.

C'est-y pas terriblement égoïste toute cette cogitation ? Si. Et tous ces billets aussi, et ça me gêne encore plus, et ça fait partie de cette question de mais pourquoi diable être aussi autocentré.

Mon gilet et mon foulard sentent le feu, j'aime bien ça. J'ai fait un feu dans lequel j'ai brûlé les doubles des questionnaires qui constituaient la base de données de mon mémoire. Je ne sais pas combien de temps il faudra garder les originaux. Et ça a bien brûlé. Ca fait plein de cendre, le papier imprimante. J'ai longuement regardé ces liasses de papier en train de se consumer, détruire et admirer.

Je cogite, l'eau coule sur mes joues (pour le nettoyage, vous comprenez bien), et ma tante ronfle à côté.
Je finis par me réfugier à l'étage d'au-dessus, sans chauffage, où je trouve un lit fait.
Je m'étais dit que pour une fois j'allais dormir dans une chambre chauffée, raté.
Mais je préfère le silence à la chaleur.
Le froid au bruit. 
Un bon vieux côté solitaire qui revient. Qui a pu se transformer en ne vous occupez pas de moi, laissez-moi tranquille, n'attendez rien de moi, surtout, ne me regardez pas comme ça, laissez-moi. Tout me stresse. Ou toute responsabilité me stresse. Organiser une fois par semaine un petit rendez-vous avec des étudiantes, trop stressant, trop pas sûre que c'est bien comme ça, que ça ira, que...
Avoir bien vu pourtant déjà que la plupart du temps ça se passe bien, qu'il s'agit juste de se lancer, qu'on y arrive tout à fait correctement, que c'est agréable et que ce n'est pas étouffant.
Mais lâchez-moi, laissez-moi, je vais aller trouver un trou, un terrier, quelque chose où fuir et me faire oublier.

J'ai cru à une fin de l'impossible. Et maintenant je deviendrais bien le python, mais ces échappatoires n'existent que dans les livres, et là, encore, il faut que je fasse avec cette réalité. Oui c'est mieux que rien, c'est mieux qu'avant,
Mais je crois que j'y ai cru. Que j'y ai cru vraiment, un moment, probablement. Que oui, tout le monde avait eu raison, ça finissait par me tomber dessus.
"Je fus pris d'espoir et d'encouragement à aspirer"
"C'est ça, justement, l'espoir, c'est l'angoisse incompréhensible, avec pressentiments, possibilités d'autre chose, de quelqu'un d'autre, avec sueurs froides."
Et j'en ai marre d'attendre les étapes.
Je vais aller me terrer.


Lisez Gros-Câlin d'Emile Ajar pour l'histoire autour des citations.

Dimanche 17 octobre 2010 à 3:01

Plusieurs jours que je me couche à des heures indues et que je suis là, au milieu de la nuit, sans avoir vraiment sommeil.
D'habitude c'est dû à je ne sais quel état d'excitation et d'attente, ces jours-ci je ne vois rien.
J'ai fait un peu de psychanalyse sauvage avec quelqu'un d'inhabituel qui me connaît sous un autre angle et ma famille aussi, et qui m'a apporté des éléments nouveaux, je suis curieuse de voir ce qui sortira après décantation.
J'ai appris des choses étonnantes, agréables et désagréables, j'espère ne pas tout mélanger, tout oublier.

Des encouragements, à continuer, continuer à raconter tout ça et à y fouiller, même si c'est dur, mais parce que oui ça vaut le coup, même si parfois ça n'avance pas ai-je l'impression, et que je me demande quand est-ce qu'il faudra arrêter.

Des moments de panique sur la suite, le futur, le bientôt, le alors c'est ta dernière année...
Des moments d'enthousiasme intercalés, parfois trop brefs, pas assez consistants pour soulever le reste, mais qui me rassurent.
Mais de nouveau l'inquiétude, le ça ne démarre pas et ça va trop vite. Le je ne suis même pas foutue de me bouger pour ce qui me fait envie alors que tout est possible, en fait.

Et la flemme. 
Plusieurs projets de billets, des brouillons qui fleurissent, et d'autres encore en esprit. Mais il faudrait se concentrer un peu, chercher quelques extraits pour que ça tienne, trop de travail tout ça.
Alors j'écris mes états d'âmes sans préambule, pour déverser quelque chose ici, parce que ça me fait plaisir mine de rien, d'écrire là, parce que j'ai découvert cet été que ça me manquait quand je ne le faisais pas, que ça m'était nécessaire parfois, que ça m'opprimait quand je ne pouvais pas.

Quatre ans (et une petite journée) après l'ouverture du blog, sentir que je l'investis de plus en plus. Et y voir un bon signe :o)


Le premier billet, parce que c'est toujours amusant de voir...

Mercredi 6 octobre 2010 à 1:44

Il faut frustrer ses enfants.
C'est une des maximes éducatives principales de mon père. Il le dit, et il le pense aussi.
J'ai commencé récemment à répondre : pas trop, des fois qu'ils te pètent à la gueule.
Mais je comprends que c'est une alternative : soit ils te pètent à la gueule, ce que mes soeurs ont un petit peu plus tendance à faire, soit ils l'intègrent bien, bien bien, trop bien, bien profond. Et c'est plutôt ce que j'ai fait moi.

J'ai donc grandi avec la conviction qu'il est mauvais, qu'il est malsain pour moi (très), d'obtenir ce que je désire.

Et on se demande d'où vient le sentiment de culpabilité lancinant qui m'accompagne, dès que la situation me va, me convient, réalise ce dont j'avais envie. D'où viennent mes sensations d'imposture et de bénéficier d'injustices en ma faveur.

Même mon lecteur mp3, au début, j'ai été effrayée par le fait que ça me permettait d'écouter tout de suite, immédiatement, la musique dont j'avais envie, juste là, d'un coup, sans raison.
C'est aussi pour ça que, contre toute logique, et à l'effarement des certains amis, je suis restée longtemps, par exemple, avec une connexion internet très compliquée, qui dépendait de l'ordinateur familial, et causait des accidents de déconnexion qui me faisaient perdre des choses importantes. Relativement importantes devrais-je dire, rien n'est très important, en fait, dans ce bas-monde.
Plutôt que de faire un bon caprice et réclamer une chosebox avec wifi, c'est quand même pas si compliqué (quoique). Ce qui a d'ailleurs fini par arriver.
Je suis en plein listage des exemples de ce genre et de leurs ramifications. Il y a des chapitres sur l'argent, d'autres sur l'apparence.
On dirait qu'il s'agit de se compliquer la vie. 

Je ne suis pas Cosette non plus hein.
Mais il y a toujours cette impression qu'il ne faut pas s'autoriser à être à l'aise, jamais, surtout pas, c'est péché, c'est mal, c'est les flammes de l'enfer.

Même si c'est plus compliqué que ça.

Et aujourd'hui je ne sais plus. Parce que rejeter ça, c'est me demander de renier mon éducation, mes parents, moi-même, et ma famille sur vingt-cinq générations. Parce qu'il y a peut-être de la fierté d'être un peu à côté, de ne pas être dans l'air du temps, de transmettre des valeurs longue durée. Fierté de se penser un peu au-dessus ou un peu à côté ou un peu moins influençable peut-être. Le monde tourne et la croix demeure comme diraient les Chartreux. A moins que la fierté ne soit le dernier recours lorsqu'on ne peut plus changer ?
Et puis surtout je l'ai dans la tête. Je ne serais pas ce que je suis sinon, donc si je rejette ça je rejette ce que je suis et je ne peux plus vivre au-dedans de moi-même, ce qui me met dans une situation immobilière très difficile. Je ne peux pas savoir ce que ça donnerait, ce que je penserais, ce que je serais si je n'avais pas été élevée avec ça. Alors je cherche à composer.
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