Mardi 25 août 2015 à 21:33

 
Sur ma peau des cheveux des cils et des veines d'un certain bleu
Parfois sous la peau fine élastique de l'os ou des vaisseaux saillants, les ongles et leurs fameux cuticules
Des replis des bourrelets des taches, des poils de duvet et les autres longs courts 
Sur ma main des ampoules durcies, les traînées si légères des empreintes et des lignes
Une tache de naissance là à droite sur le thorax, des grains de beauté des boutons, des rouges, des noirs des blancs
Des zones plus claires et plus sombres sur ma peau, les pieds plus sales, des cals, d'anciennes ampoules à la peau morte et blanche
Sur mes cuisses les traces roses à cause de la bouillotte trop chaude et puis des vergetures, d'autres grains de beauté, de vieilles cicatrices éteintes au genou et aux mains.
La peau est rose, blanche, verte bleue jaune, légèrement bronzée par endroits
Les marques du pantalon, des sous-vêtements, plis chiffonnés, la trace ronde d'un bouton de ceinture
Sur ma paupière gauche un bouton blanc, les taches des lunettes sur mon nez, des cernes, leur forme leur couleur la peau fine, au cou la peau douce et épaisse des bien nourris.
Et sur le tendre de la gorge, les ongles encore ont créé des zones sombres.

Je les sens sous le tissu et croirais les poumons y prenant leur air.

Vendredi 24 juillet 2015 à 1:27

"Cet après-midi votre oncle V. est décédé, paisiblement en tenant la main de son épouse et de sa fille aînée."

Le mail arrive encore un peu plus tôt que prévu, mais enfin ça fait un an qu'il est malade, le cycle maison-hôpital-maison s'est accéléré, on s'y attendait. Et il est mort dans la maison de famille léguée par sa mère, chez lui - rare et presque précieux.

En la relisant je sens dans la phrase si factuelle - adverbe excepté - de mon père une approbation, une certaine envie même à l'idée de cette scène. Mourir chez moi, entre ma femme et ma fille, oui. Une envie mélancolique triste.
Il ne pourra pas tenir la main de son épouse, déjà décédée.


Et je réalise soudain, ou plutôt soudain la culpabilité me douche, m'avale, m'inonde, j'ai laissé ma mère mourir toute seule, toute seule, seule dans une chambre d'hôpital au fond d'un service de réanimation, dans le coma, seule, câblée de plastique entourée de métal, d'ombres, de vide, seule, détachée du monde par l'inconscience et notre absence, abandonnée.
Je suis venue la veille, tard, et j'ai fui.
Et j'aurais fui encore si le matin elle avait été vivante encore, j'avais trop peur de voir ça, le passage.
La honte, la honte, et je ne sais pas comment implorer pardon.

Lundi 30 mars 2015 à 0:52

Ma mère est morte.
Maman est morte.
 Ma maman est morte.
Sa maman est morte doivent dire les autres.
Sa mère est morte.
Ta maman est morte.
Elle est morte.

Ca ne fait toujours aucun sens.

Mercredi 13 août 2014 à 0:57

J'ai été avec tout un tas de gars dans ma vie.
Si je rêvasse, me reviennent des bribes, ou des genres de fresques de l'histoire, des moments précis, des sensations, des conversations. Les émotions sont parfois intactes, d'autres fois devenues fades. Certains d'entre eux n'ont plus d'importance. Mais je sais bien qu'ils en ont eu, ce jour-là, ces temps-là, beaucoup.
J'ai fait tout un tas de choses avec chacun, on est parti en vacances, en week-end, on a fait des projets réalistes et des plans sur la comète, on a discuté des nuits entières, on s'est soutenus, engueulés,  on a ri, on s'est souri. J'ai rencontré leurs parents, leurs amis, leurs frères et soeurs, ils sont venus dans ma famille pour les vacances, on a fait des choses insignifiantes mais délicieuses, ils ont pu me faire tourner en bourrique mais aussi me faire tourner la tête avec leurs mots, leurs gentillesses, leurs attentions, leur voix, leurs yeux, leur doux sourire. En me faisant sentir aimée, tout simplement. Ca a été des histoires courtes ou plus longues, quelques fois en dents de scie, quelques fois surtout physiques. Je ne dis pas qu'on ne s'est pas trompés, un peu, beaucoup, et que personne n'a souffert. Ils ont pu être durs avec moi, me faire perdre confiance par moment - ça partait je crois d'une bonne intention, mais je suis trop influençable - ou au contraire m'assurer, me rassurer, tellement, j'en devenais presque sûre de moi, j'y étais presque, j'allais basculer, mais toujours quelque chose me maintenait dans l'incertitude, quand j'avais l'impression de me réveiller et de regarder la situation plus froidement. J'ai parfois l'impression que je ne savais rien à l'époque, que j'étais aveugle et sourde et coupée de la réalité. Des gens. Des échanges sociaux qui ont l'air si évidents pour les autres.
J'ai été avec tout un tas de gars. Je me souviens des émotions quand je n'étais pas sûre, je me souviens de la douceur de découvrir la réciprocité, et les douleurs des réalités qui me rattrapaient. On a vécu des situations plus dramatiques, parfois un peu mélo, quelques incidents, quelques accidents. Les fins qui ne veulent pas finir, la douleur qui traîne, la flamme qui ne s'éteint pas, les retours, les démentis cinglants. Ca finissait toujours dans les larmes, de mon côté en tout cas.
Ca finit toujours dans les larmes.
J'ai été avec tout un tas de gars dans ma vie, mais aucun n'est au courant.

Mercredi 29 janvier 2014 à 0:45

"Ne dis pas que c'est ça ou rien".
Allons bon, pourquoi pas puisque c'est la vérité.
Tu m'as demandé il y a quelque minutes avec qui je couchais. J'ai répondu non aux deux questions. J'imagine que la réponse te déplaît, d'ailleurs. Je me suis dit une fois dehors que j'aurais dû encaisser, que j'aurais dû rester, que je ne devrais pas être là à marcher vers le nord, vers l'appartement, sans ma récompense, qu'est-ce que je faisais dehors. J'aurais dû sourire, rester assise, boire cette troisième bière que tu venais d'apporter. Tout se serait arrangé, il se serait peut-être passé quelque chose.
Mais je pleurais déjà, et puis tu as dit
L'envie me vient de soulever cet ordinateur déjà cacochyme et de l'exploser par terre. Mais je suis un peu radine, comme tu m'as expliqué, ça me ferait mal, et puis deuxièmement je ne suis pas sûre qu'il explose bien comme je voudrais ; il ne se passerait probablement pas grand chose.
Après une réponse relativement pondéré à ton message de semi-excuse, je viens d'appuyer sur Entrer pour quelque chose de nettement moins classe. Et encore deux lignes en plus, pendant que j'y étais. Pas sûre que ça te plaise.
marrant, moi qui était allergique aux disputes, fondait en larmes à la moindre confrontation, j'ai envie qu'on s'engueule pendant des heures.

Tu as dit "Still, you wanted it", You wanted it to happen, Tu le voulais, putain je sais déjà plus les mots, les trois, quatre, cinq peut-être mots que tu as employés, c'est quand même pas possible.

Hier j'ai pensé que je valais mieux que ça. Quand même, merde, que l'attente, que je pourrais peut-être un jour, maintenant, me retrouver, être, dans une autre situation, dans un truc que les autres take for granted.
Ca me paraîtrait tellement extraordinaire, à moi. Et si naturel. Mais si extraordinaire. Quand je l'imagine, je ne peux pas m'arrêter de sourire. Même si je l'imagine rarement aussi réussi. Je l'imagine en général en plus simple, en plus naturel, mais ce n'est jamais arrivé, ça resterait quand même extraordinaire.
Vous avez raison sur un point : je ressasse.

Et là il faut s'arranger, ça te prend d'un coup, je te dis que ce n'était pas la forme hier, le sujet est abordé, you say drop it, très bien, ça me va aussi, et puis tu retapes dessus un quart d'heure après. Pourquoi suis-je partie ? Ce n'est pas comme si j'étais surprise. Ce n'est pas comme si je ne savais pas ce qu'il fallait que je paye avant de. Je ne sais même pas si tu sais que tu parlais du même sujet. Je suis déprimé, dépressif moi aussi dis-tu. Mon cul, je viens de te l'écrire.
Je pense que tu sais que tu parlais du même sujet.
Maintenant je suis saoûle, j'ai la tête qui tourne, je pleure je ne sais même plus pourquoi, j'avance lentement, j'espère un moment que tu vas me rattraper, peut-être, mais je t'ai laissé devant deux pintes, tu ne vas pas les abandonner comme ça.
Et c'est moi qui suis radin.
Je croyais que c'était mieux comme ça mais je ne sais pas.
J'étais déjà en pleurs, tu as rajouté quelque chose, j'ai voulu faire une scène probablement, je ne sais pas, j'ai rarement l'occasion, et je ne voulais pas payer. Je suis partie, j'ai marché au ralenti, en hocquetant un peu, ça faisait longtemps, j'avais vraiment envie de pleurer. Maintenant j'ai vraiment envie de vomir. Puis j'ai fini par avoir faim. Ce putain de système irlandais qui t'empêche d'avoir de l'eau chaude quand tu en veux. Tu n'en auras que 45 minutes plus tard au mieux. Elle était tiède, j'ai pris une douche quand même, lavé mes cheveux à la coupe impossible. Elle n'étais ni chaude ni froide, j'en ai fait tomber la tringle de rage, d'énervement. Je ne corresponds pas aux canons physiquement, je ne corresponds pas aux canons moralement, ou spirituellement, ou intellectuellement. Je ne suis ni assez haut ni assez bas, pourquoi ne suis-je pas allez assez loin, pourquoi ne m'a-t-on pas montré la bonne direction, une direction, quelque chose à faire, à lire, à réfléchir. Ou peut-être que si. Pourquoi est-ce que je suis aussi empotée. Je n'ai juste pas travaillé assez pour faire ce qui me plaît, et ce qui est à ma portée ne me plaît pas. 
Et j'ai donc quitté le bar, laissé la seule personne qui me trouve globalement intéressante. 
Je pense que je voulais faire ça depuis longtemps.
Mais je me suis privée ce soir de la seule personne qui me trouve globalement intéressante, et peu d'entre vous savent ce que ça signifie.
(je ne dis même pas que je gagne un quelconque concours)(il y a pire)(mais il y a mieux)
Cette personne n'est pas disponible, cette personne est maquée. Cette personne est toujours maquée. Et me donne son avis sur le fait que, quoi ? C'est quand même un choix de ma part, je dis des conneries, mais non n'exagère pas, tu pourrais faire mieux, je suis un asshole, ne dis pas ça,

Embrouillée, j'étais.

En pleurs, encore fragile d'hier. Inquiète dans les grandes largeurs pour l'avenir, voici qu'il me ramène ce problème sur la table.

Ma grammaire n'est même plus respectable.

Longtemps, que je n'avais pas été dans cet état.

Enfin un peu réchauffée, après être restée dans la serviette humide de la douche tiède, après avoir enfin eu la présence d'esprit de me sécher les cheveux. Avec maintenant une bouillote, une cuillèrée de cheese cake dans l'estomac, un radiateur qui chauffe. Et le coloc qui répond aux textos.


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