Mardi 6 novembre 2012 à 0:36

 
Discrètement, insensiblement, l'appartement se désemplit un peu, on y étouffe moins, un peu.
Peut-être que quand elle était là on n'étouffait pas de toute façon parce qu'elle tourbillonnait dedans, insufflait quelque chose à ces piles et ces papiers et ces objets ?
Ses piles, ses papiers et ses objets.

Maintenant qu'ils se sont fait menaçants, étouffants, parce que trop nombreux, parce que posés et pesants, inutiles, il faudrait les jeter.

Et j'ai beaucoup beaucoup de mal malgré tout.
Je ne peux pas jeter un plan de Bruxelles, dont elle a tant rêvé, et rêvé d'habiter.
Des tasses à café amochées, esseulées.
Des specimens de la collection d'oeufs, plus banals.
Des articles d'Edgar Morin, découpés avec soin.
Un Paris-Match sur Diana, le Courrier International de l'élection d'Obama. Un National géographic (?) anglais sur la bataille du Pacifique, mais pourquoi diable avait-elle ça ?
Ses documents de travail, qui contiennent des noms, des sigles que j'ai si souvent entendus sans savoir vraiment ce qu'ils recouvrent.

Je me demande ce que ça ferait de vraiment tout jeter.
En fermant les yeux peut-être, en attrapant ça par brassées et en s'en débarrassant sans regarder, sans se demander ce que ça dit d'elle. Est-ce que ça m'ôterait l'impression de la faire disparaître. L'absence physique, l'absence de son esprit, de dialogue, est déjà là, difficile à réaliser et évidente à la fois.
J'ai été surprise l'autre jour de la voir sur les photos d'un Noël d'il y a quelques années. Tiens, elle était là ? Comme ça se fait ?
Un jour absente, toujours absente.

Je n'arrive pas à comprendre et je trouve ça banal à la fois.
Je détesterais lire ça chez les autres.
Quel sentimentalisme.
J'aime pas les autres.
Et je voudrais en connaître plus, des sympas, des intéressants. Je suis pas très douée pour ça. Je devrais demander.

Lundi 5 novembre 2012 à 1:19

Réveillé mon cousin en sursaut en tapant deux coups de rage contre une porte. Lui ai dit oui oui j'ai fait tomber un truc.

Ca ne se passera pas comme ça.
Oui mais.

Cette conversation a déjà eu lieu, une fois, deux fois, pire ? Et ça a beau être dit le plus gentiment du monde, de la manière la plus détachée et la moins arrogante, à chaque fois je perds la face, même s'il n'y a que moi qui m'en rends compte.
A chaque fois je me retrouve dans le rôle du petit chose, on me dit que je suis celle qui courbe l'échine dans l'attente, avec des étoiles dans les yeux que je dois contenir, que je dois être sage en attendant l'autre, il a autre chose à faire voyons, reste tranquille.
Je suis le chien.

Ca ne se passera pas comme ça.
Oui mais.
Mes moyens ? Rien, bien trop fière pour aller couiner vraiment, je préfère lever le menton, et je disparais. Ce me sera reproché, après, sûrement. Le "chantage" en tout cas.

Mais ne pas manquer à un ami. C'est à se questionner, pour rester polie.

Moi le gens me manquent, ma mère me manque, mon père quand il ne veut pas parler, quand je dois faire des bras de fer avec lui, mes soeurs parfois, ou mon cousin, quand on ne me parle pas. Lui me manque que j'ai vu une fois par semaine pendant six ans, qui était ma motivation pour aller faire du sport parce que je savais qu'il serait là et que son sourire moqueur me réchaufferait, il me manque beaucoup, je crois, ce n'est plus pareil, tout est gris le samedi. La chaleur humaine, la parole, le soutien me manquent, des choses qui n'ont jamais existé et que je n'ai jamais eues me manquent, le chant la musique le piano peuvent me manquer, les rires, les blagues, Londres, Berlin, des ambiances, des odeurs, des sensations, les gens qui m'aiment bien et me sourient timidement, je pense à un autre gars aussi, ou à des week-ends qui auraient pu se reproduire. Des enfants, des appartements, des objets, des époques de ma vie, des personnages de fiction. Beaucoup, beaucoup de choses peuvent me manquer, fugitivement, ou par un trop grand sentimentalisme nostalgique parfois, que je sais un peu faux mais qui m'aide à passer des semaines grises et mornes. 
J'ai beaucoup avancé ou juste "tenu" dans la vie à coup de visages de gens qui me plaisaient, qui m'aideraient à me lever le matin en me disant juste : aujourd'hui je vais les voir. Ils ne me verront pas, ils ne me parleront pas, je les agace peut-être, ils me méprisent, s'ils m'ont repérée, mais moi ils m'aident à passer le jour, la semaine, les trimestres, l'année. Je les en remercie. Non je ne tiens pas toute seule finalement, c'est à ma grande honte. Je suis le chien.

Il semble que je ne tienne pas toute seule, et je préfèrerais que ce soit faux. Puisqu'il semble aussi que je ne sois pas douée pour trouver ceux qui me tiendront. Je vais mentir bien sûr. Vous supposez bien que je préfèrerai vous cracher dessus que vous dire ça.

Faites-moi partir.
Je dois partir. Pour m'aller geler dans une chimère : que je serais autrement, ailleurs.
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