Jeudi 16 avril 2009 à 23:27

A 1000 km à l'est, où j'aimerai être, dans une ville qui se construit encore et toujours.
Du S-bahn, par la fenêtre je bois la vue, et compte pas moins de 11 grues de chantier dans mon champ de vision.

La chaleur est inattendue, les pauses nombreuses, les kilomètres innombrables.

Le soleil brille brille brille.
Aperçu de l'office des ténèbres du samedi saint dans la cathédrale. Balcon à l'étage pour les touristes. Agacement et perplexité à l'entente du bruitage intégré maintenant à tous les appareils photo numériques (en plus du bip au défilement) qui reproduit le son d'un appareil argentique lors de la prise. Il est particulièrement malvenu dans une église en pleine prière, et parfaitement étrange de toute façon : pour faire croire qu'on utilise un "vieil" appareil ? dans un souci de copie, de fausse authenticité, de perte des repères du réel physique ? peut-être pourrait-on intégrer un bruitage dans les paires de baskets, pour imiter les talons aiguilles ?
Dans la crypte les cercueils ouvragés des rois. Un triste "namenlos Prinz", tout petit.

Je ne repars pas sans Pfefferminz Tee, quelques Ritter Sport, du liquide lentille de chez Rossmann. Je m'offre un kaiserschmarnn avec de la Bionade - je n'ose pas emporter la bouteille.
Ma grand-mère m'offre les aimants des fameux
Ampelmännchen.

De la beck's lemon les pieds dans le sable, des käse-bretzel dans l'herbe. Quelques trombones. Des chocolats de Pâques. Des restaurants italiens et mexicain, des sushis.
Suivre le même rythme à six personnes pendant cinq jours.

A 1000 km à l'est le soleil se lève bien plus tôt.


Devant moi une vieille dame, le dos un peu voûté par les années, le chignon soigneusement piqué d'épingles d'où s'échappent quelque mèches, regarde, plisse les yeux pour essayer de reconnaître.
Elle essaye de retrouver les lieux qu'elle a connus.  
Elle est arrivée avec son jeune époux, dans une base militaire, marquée par les quatre ans d'occupation subis par son pays, à cause de ceux d'ici. Et la désolation l'a saisie, la tristesse la douleur. Le Tiergarten sans un arbre, transformé en champ de pommes de terre. La statue éventrée d'un cheval dans laquelle couche un homme. L'épuisement des berlinoises qui reconstruisent la ville à la main tout le jour durant, elles qui avaient tout perdu. L'incompréhension soudaine qui étrangle.
Et un élan d'amour pour ce pays, l'envie d'apprendre sa langue de se connaître et de construire ensemble.
Elle ne reconnaît pas ces lieux que l'on mettait des jours à atteindre depuis la France. Les changements ont été trop radicaux. En 60 ans pensez donc.
A l'aube de sa vie d'épouse et de mère, une vie chargée, elle a vécu ici, dans une ancienne maison d'ouvrier construite dans les années 30, et qui a semble-t-il été détruite il y a moins d'un an. Une maison qu'elle a rejointe, après trente heures de train, avec sa fille de quelques semaines née en France pour répondre à un père inquiet.
Elle regarde.
Qu'est-ce qui défile devant ses yeux ?

Entre jeunes allemands et français aujourd'hui on peut parler de la guerre. Et on est heureux d'être assis à la même table et de partager les mêmes verres.



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Mercredi 29 octobre 2008 à 11:38


Encore Berlin, lundi au petit matin 29 septembre. Je suis trop endormie, je ne profite pas comme la première fois de tout ces murs d'immeubles que nous longeons, peints, ornés, support ironique ou artistique, ou de la saleté de la vie.
Les valises sont trop lourdes. J'accompagne ma soeur qui emménage ici pour l'année, nous nous posons dans un café. Un café qui sent comme chez Dorothée, notre première jeune fille au pair allemande qui a eu l'idée précieuse d'épouser un boulanger-pâtissier-chocolatier vers Cologne. L'Allemagne comme une effluve de pain chaud et de chocolat fumant.

L'agence n'ouvre qu'à 9h. Ma soeur téléphone, il nous faudrait les clefs du studio.
Les valises sont trop lourdes, j'hésite à peine, je l'appelle pour qu'il vienne nous aider. 
Il nous accompagne, à l'agence, déjeuner, jusqu'à l'arrêt de métro d'Ikea.

Il est toujours aussi beau, toujours aussi gentil. Toujours aussi insaisissable dans ses intentions.

Ce soir on va boire verre avec un de ses amis, ma soeur est trop crevée, elle reste nous installer un lit dans le studio sale : du plastique d'emballage ikea, des cartons, une couverture amenée de Paris, la housse de son futur canapé-lit, et la couette par-dessus.
On n'a pu ramener que des petites choses à la force des bras (trop de petites choses), pas de livraison ni de meubles aujourd'hui, car Ikea Berlin ne prend pas la carte visa. Véridique. Même si vous croyez au début que c'est une blague.
Il faut une carte EC (electronic cash), visa ils aiment pas.

Cet ami je l'ai vu en juin, et en juillet, et il était à Paris en février aussi. Et en présence d'un tiers re-belote, mon bel allemand prend un rôle de presque boyfriend officiel. A tel point que le copain croira que, enfin, c'est fait.

Oh non rien n'est fait, rien n'est dit. 29 septembre, le jour de ma fête. Qu'une ancienne amie n'oublie pas de me souhaiter par texto. Une amie à qui je ne veux plus parler, et qui ne comprend pas. Une amie qui a vécu en direct sous mes yeux son histoire d'amour walt disney, qui n'a pas voulu admettre que ça changeait forcément (au moins un peu), la distribution autour d'elle, l'importance, l'intimité de nos rapports. Et elle se rappelle à moi le jour où j'essaie de comprendre pourquoi je n'ai pas le droit à ça, pourquoi ça n'avance pas, pourquoi ; genre j'espère que tu vas bien, il faudrait qu'on reprenne contact, je t'envoie juste un petit quelque chose l'air de rien.

Non ça ne va pas. Parce que je resterai éternellement à ce soir, pleine de ses yeux et de son sourire, à minuit passées en haut de l'escalier du métro, à n'avoir pas su assez tôt que c'était à moi d'aller le chercher. Il avait l'air de ne pas vouloir s'arrêter de sourire jamais, et j'ai eu un réflexe idiot en baissant la tête et en descendant l'escalier. La nuit et le froid.

Le lendemain j'oserai enfin demander à ce copain ce qu'il en est. Réponse (in)espérée : si si tu l'intéresses, on en a parlé ensemble. Quart d'heure de bonheur.
Que l'intéressé pourfend de son indécision. Oui il m'aime bien, mais il préfère rêver à d'autres, installées dans son esprit depuis longtemps - et avec qui il n'y a pas de risque que ça se concrétise ? 

Au téléphone une semaine après il s'excuse à moitié, il n'a pas assez de sentiments pour moi, mais il ne faut jamais dire jamais estime-t-il.



Lundi 11 août 2008 à 17:41

Et ben euh, comment dire. J'y suis allée.
Bon sans la question foireuse. Sans vouloir savoir ce qu'il pense, à quoi il s'occupe ailleurs, vers qui son esprit vagabonde, rien, je n'ai rien demandé.
Déjà la dernière fois j'avais rêvé que ma demande tournait mal, elle a tourné mal, même réponse que mon imagination nocturne.
Là j'en ai rêvé encore, doucement, juste une conversation, et la réponse encore me prévenait. J'ai décidé de surtout ne pas marcher par là. Ne pas gâcher ce qui se passait réellement, attendre une suite et vivre le présent. Et c'était parfait, juste, être à l'aise à deux exactement, sans rien dire.

Quatre journées pleines, des discussions qui finissaient souvent sur wikipédia pour vérifier, compléter, du vélo, des petit-déjeûners, des repas, le Reichstag au moins trois fois mais toujours renoncé, Persepolis, la bibliothèque de la fac, travailler l'un à côté de l'autre. On a partagé des glaces des fruits des bretzels des bouteilles d'eau une chambre.
Dimanche soir il a éteint avant de changer de T-shirt, lundi soir non.  On a ri, presque pleuré, on s'est moqué l'un de l'autre, et atteint un quota inavouable de blagues vaseuses.  

Encore une fois je n'osais espérer trop, par moment je pensais au meilleur pour la seconde d'après, parfois au pire. Il a parlé d'apprendre le français.

Mais j'étais là. Jusqu'à mardi soir, 21h passées, sur le quai, une embrassade, un hug à l'allemande pour se dire au revoir, et en sortant de ses bras ma main s'est trouvé dans la sienne, une seconde. Serre.

A leur départ de Paris en février on s'était quittés à Odéon, on était tous en retard, eux pour leur train nous pour la répet. On s'était fait la bise, mais le geste avait été étrange, il avait cherché mes lèvres peut-être, et moi sa main, mais on s'était ratés, le vide.

Ici le plein, la surprise de la simplicité. Mais c'est la fin, je monte j'abaisse la vitre encore. Il touche mon bras "it was nice having you here" sourire.
Et le train part, je ne veux pas bien sûr, mais je suis dedans. Se laisser emporter, supporter les français touristes du compartiment et leur prononciation comme une insulte à l'Allemagne, vouloir les faire taire mais juste pleurer.

Après un passage éclair à Paris je reprends le train à 15h et ose enfin allumer mon portable. S'il n'avait pas écrit...
Il a envoyé, oh, un tout petit quelque chose Guten Morgen... avant 9h ce matin, en se levant, avant même que j'arrive.



Mercredi 23 juillet 2008 à 19:07

Fuck english weather.
On est en juillet zut !
Mais non, alors que je me tue à dire aux français qu'il ne pleut pas tant que ça en Angleterre, voilà qu'elle veut me donner tord. Le ciel est fermé ; la pluie va-et-vient sans répit pour nos espoirs de lumière chaude ; l'herbe grasse se nourrit ; humides les fleurs se succèdent ; mon esprit s'envole ; le ciel ruisselle toujours ; les chaises de jardin attendent stoïques, de servir. Mais je suis repartie, en pensée ; Berlin, le Tiergarten, forêt immense au coeur de la ville, les vélos, les petits restaurants, sa ville. C'est peut-être pour ça que le temps ici cherche à être maussade, mais la pluie ne change rien au désir, elle ne fait que m'encourager à l'évasion, au rêve.
Peut-être qu'à force d'eau elle peut aider à la transparence des choses ? Comme une fenêtre qu'on a si bien nettoyée qu'on ne la voit plus, effacer ce qui gêne, voir enfin ce qui était caché, savoir, se décider. Berlin.  
Et ce temps qui enferme, je voudrais exploser, ouvrir grand les bras, tourner très vite sous la pluie, me sentir physiquement vivante, avec des gouttes sur la peau et les cheveux collés. Si je devais faire un rapport sur moi je mettrais : "extérieur toujours relativement policé cache intérieur en ébullition périodique - éclat soudain possible - peut mener à l'explosion permanente". Version bombe quoi.

N'empêche, je ne me vois pas, sous prétexte d'étudier l'histoire d'une bombe, afin de fournir peut-être à celle qui m'habiterait des éléments de désamorçage, et pour l'avoir lui à mon côté et son influence et comprendre l'étendue inconnue de la place qu'il a prise dans mon affaire, me pointer à sa porte genre "et si nous allions à Hiroshima mon amour ?".

**

Participation (qui a dit tardive ?) au jeu proposé par Akynou, qui nous a vus tout d'abord enthousiastes pour proposer des titres de livres, puis immensément désarmés quand, après une redistribution généreuse, il a fallu créer un texte en y insérant ces titres devenus phrases ou propositions.
J'ai essayé au mieux de m'approprier cette liste : La pluie ne change rien au désir, Rapport sur moi, La transparence des choses, Les fleurs, Hiroshima mon amour.

Ai-je trouvé ça difficile ou drôlement intéressant ? Les 2 mon général. J'attends la prochaine !  


*

Jeudi 3 juillet 2008 à 23:42

Ach je n'avais pas vu ça venir
je m'attendais presque à l'inverse ; mais non, encore, le piège, est-ce un piège ? le même piège, et je plonge. pas dû, je n'aurais pas dû poser cette question. Would you date me ?

Tais-toi, tais-toi, ta voix m'est chère mais elle est bien plus douce quand elle dit mon prénom, tais-toi tu me brûles, ici autour du coeur, ma peau chauffe, pour rien, presque rien, je ne m'attendais à rien en venant ici et puis j'y ai cru. J'y ai cru et je t'ai demandé. Et ta réponse ne vaut rien. Quelqu'un d'autre, tu préfères à moi quelqu'un d'autre, remarque c'est déjà mieux que de me préférer personne, je monte en grade. Peut-être un jour quelqu'un me préfèrera directement, hein, sait-on jamais, sur un malentendu, un gars vraiment désespéré. Mais ce n'est pas pour cette fois. Et je pleure. Je serre les dents, je ne veux pas te gêner, tu es trop adorable, je suis là encore pour une journée, je veux que ça se passe bien.

Et maintenant loin, quelques sms pourris, et rien, aujourd'hui tu n'as pas répondu. I'll miss you je t'ai dit. Tu as dit toi aussi. Mais tu ne m'écris pas.
Je ne savais pas encore, je me disais que ce n'était pas grave d'avoir parlé de ça, qu'on allait s'en remettre. Maintenant ça y est je regrette, je regrette je regrette mon dieu !! Si j'avais pu ne rien demander ! Garder un lien intact sans rien de pourri qui se glisse dedans, qui te fasse hésiter, peser les mots que tu m'adresses ; non ce n'est pas possible, ce silence, tu vas écrire, demain, je voudrais t'appeler, mais qu'est-ce que ça donnerait. Avant rien, maintenant peut-être tu vas devenir suspicieux, je vais te peser, te gêner, je


   meeeeeerdeuh

Et en plus non, bien sûr, non, encore, il faut que je l'encaisse aussi celui-là. Enfin tu as dit "ja" mais vas savoir ce qu'il signifiait. Et le coup du portable, j'aurai dû savoir, te demander avant tout : en face de moi tu écris un long message, trop long. J'aurai dû savoir, on me l'a déjà faite celle-là, je crois, je sais plus, la douleur est prête. Et la fille qui pose sa vieille question alors qu'il pense à l'autre. J'ai du mal à l'imaginer, elle, elle a le toucher d'une épée.
Je voudrais retourner là-bas. non, te téléphoner, non. Je cherche dans mes souvenirs ta voix, ton visage, déjà tu es irréel, ne reste que la peine.


(ne reste que la peine à prononcer en 6 pieds s'il vous plaît, avec le e muet). 


*

PS au 15 juillet : il ne répondait pas aux mails parce qu'il y avait une erreur dans l'adresse et qu'il ne les recevait pas. Si si en vrai. Quand il les a il veut bien répondre hein.

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