Il faut frustrer ses enfants.
C'est une des maximes éducatives principales de mon père. Il le dit, et il le pense aussi.
J'ai commencé récemment à répondre : pas trop, des fois qu'ils te pètent à la gueule.
Mais je comprends que c'est une alternative : soit ils te pètent à la gueule, ce que mes soeurs ont un petit peu plus tendance à faire, soit ils l'intègrent bien, bien bien, trop bien, bien profond. Et c'est plutôt ce que j'ai fait moi.
J'ai donc grandi avec la conviction qu'il est mauvais, qu'il est malsain pour moi (très), d'obtenir ce que je désire.
Et on se demande d'où vient le sentiment de culpabilité lancinant qui m'accompagne, dès que la situation me va, me convient, réalise ce dont j'avais envie. D'où viennent mes sensations d'imposture et de bénéficier d'injustices en ma faveur.
Même mon lecteur mp3, au début, j'ai été effrayée par le fait que ça me permettait d'écouter tout de suite, immédiatement, la musique dont j'avais envie, juste là, d'un coup, sans raison.
C'est aussi pour ça que, contre toute logique, et à l'effarement des certains amis, je suis restée longtemps, par exemple, avec une connexion internet très compliquée, qui dépendait de l'ordinateur familial, et causait des accidents de déconnexion qui me faisaient perdre des choses importantes. Relativement importantes devrais-je dire, rien n'est très important, en fait, dans ce bas-monde.
Plutôt que de faire un bon caprice et réclamer une chosebox avec wifi, c'est quand même pas si compliqué (quoique). Ce qui a d'ailleurs fini par arriver.
Je suis en plein listage des exemples de ce genre et de leurs ramifications. Il y a des chapitres sur l'argent, d'autres sur l'apparence.
On dirait qu'il s'agit de se compliquer la vie.
Je ne suis pas Cosette non plus hein.
Mais il y a toujours cette impression qu'il ne faut pas s'autoriser à être à l'aise, jamais, surtout pas, c'est péché, c'est mal, c'est les flammes de l'enfer.
Même si c'est plus compliqué que ça.
Et aujourd'hui je ne sais plus. Parce que rejeter ça, c'est me demander de renier mon éducation, mes parents, moi-même, et ma famille sur vingt-cinq générations. Parce qu'il y a peut-être de la fierté d'être un peu à côté, de ne pas être dans l'air du temps, de transmettre des valeurs longue durée. Fierté de se penser un peu au-dessus ou un peu à côté ou un peu moins influençable peut-être. Le monde tourne et la croix demeure comme diraient les Chartreux. A moins que la fierté ne soit le dernier recours lorsqu'on ne peut plus changer ?
Et puis surtout je l'ai dans la tête. Je ne serais pas ce que je suis sinon, donc si je rejette ça je rejette ce que je suis et je ne peux plus vivre au-dedans de moi-même, ce qui me met dans une situation immobilière très difficile. Je ne peux pas savoir ce que ça donnerait, ce que je penserais, ce que je serais si je n'avais pas été élevée avec ça. Alors je cherche à composer.
C'est une des maximes éducatives principales de mon père. Il le dit, et il le pense aussi.
J'ai commencé récemment à répondre : pas trop, des fois qu'ils te pètent à la gueule.
Mais je comprends que c'est une alternative : soit ils te pètent à la gueule, ce que mes soeurs ont un petit peu plus tendance à faire, soit ils l'intègrent bien, bien bien, trop bien, bien profond. Et c'est plutôt ce que j'ai fait moi.
J'ai donc grandi avec la conviction qu'il est mauvais, qu'il est malsain pour moi (très), d'obtenir ce que je désire.
Et on se demande d'où vient le sentiment de culpabilité lancinant qui m'accompagne, dès que la situation me va, me convient, réalise ce dont j'avais envie. D'où viennent mes sensations d'imposture et de bénéficier d'injustices en ma faveur.
Même mon lecteur mp3, au début, j'ai été effrayée par le fait que ça me permettait d'écouter tout de suite, immédiatement, la musique dont j'avais envie, juste là, d'un coup, sans raison.
C'est aussi pour ça que, contre toute logique, et à l'effarement des certains amis, je suis restée longtemps, par exemple, avec une connexion internet très compliquée, qui dépendait de l'ordinateur familial, et causait des accidents de déconnexion qui me faisaient perdre des choses importantes. Relativement importantes devrais-je dire, rien n'est très important, en fait, dans ce bas-monde.
Plutôt que de faire un bon caprice et réclamer une chosebox avec wifi, c'est quand même pas si compliqué (quoique). Ce qui a d'ailleurs fini par arriver.
Je suis en plein listage des exemples de ce genre et de leurs ramifications. Il y a des chapitres sur l'argent, d'autres sur l'apparence.
On dirait qu'il s'agit de se compliquer la vie.
Je ne suis pas Cosette non plus hein.
Mais il y a toujours cette impression qu'il ne faut pas s'autoriser à être à l'aise, jamais, surtout pas, c'est péché, c'est mal, c'est les flammes de l'enfer.
Même si c'est plus compliqué que ça.
Et aujourd'hui je ne sais plus. Parce que rejeter ça, c'est me demander de renier mon éducation, mes parents, moi-même, et ma famille sur vingt-cinq générations. Parce qu'il y a peut-être de la fierté d'être un peu à côté, de ne pas être dans l'air du temps, de transmettre des valeurs longue durée. Fierté de se penser un peu au-dessus ou un peu à côté ou un peu moins influençable peut-être. Le monde tourne et la croix demeure comme diraient les Chartreux. A moins que la fierté ne soit le dernier recours lorsqu'on ne peut plus changer ?
Et puis surtout je l'ai dans la tête. Je ne serais pas ce que je suis sinon, donc si je rejette ça je rejette ce que je suis et je ne peux plus vivre au-dedans de moi-même, ce qui me met dans une situation immobilière très difficile. Je ne peux pas savoir ce que ça donnerait, ce que je penserais, ce que je serais si je n'avais pas été élevée avec ça. Alors je cherche à composer.
Nous sommes juchés sur les épaules de géants. À chaque génération, on reprend, on affine, on remodèle, on remanie sans relâche le monde qui nous a été transmis, et qu'on transmettra à notre tour. En ne le laissant jamais tout-à-fait dans l'état où on l'a trouvé, et c'est pas forcément plus mal.