"On différencie traditionnellement la douleur, atteinte de la chair, et la souffrance, atteinte de la psyché. Cette distinction commode est ambiguë en ce qu'elle oppose sans ciller le corps et l'homme comme deux réalités distinctes, faisant ainsi de l'individu le produit d'un collage surréaliste entre une âme et un corps.
[...]
La douleur est toujours contenue dans une souffrance [...]
Mais si la souffrance est inhérente à la douleur, elle est plus ou moins intense selon les circonstances. Un jeu de variations existe de l'une à l'autre. La souffrance est une fonction du sens que revêt la douleur, elle est en proportion de la somme de violence. Elle peut être infime ou tragique, elle n'est jamais mathématiquement liée à une lésion [...].
Dans des circonstances différentes, par une sorte de sacrifice inconscient, elle offre le paradoxe de protéger l'individu d'une menace terrifiante de destruction de soi, la scarification délibérée est ainsi un paravent contre une souffrance intolérable. Muriel, 16 ans à l'époque, est amoureuse d'un garçon toxicomane souvent en prison pour ses trafics divers. Elle apprend qu'il est à nouveau en garde à vue. Assise sur un banc dans un jardin public elle prend un morceau de verre qui traîne et elle inscrit sur sa peau les initiales de son copain : "T'es tellement malheureuse au fond de toi-même. C'est le chagrin d'amour, tu vois. T'es tellement malheureuse dans ton corps, alors tu te fais mal pour avoir une douleur corporelle plus forte, pour ne pas sentir ta douleur dans le coeur. Tu vois un peu comment c'est ?" Il s'agit alors de se faire mal pour avoir moins mal. Prendre l'initiative de la douleur est une manière de combattre une souffrance qui, elle, est sans contrôle possible."
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La douleur est toujours contenue dans une souffrance [...]
Mais si la souffrance est inhérente à la douleur, elle est plus ou moins intense selon les circonstances. Un jeu de variations existe de l'une à l'autre. La souffrance est une fonction du sens que revêt la douleur, elle est en proportion de la somme de violence. Elle peut être infime ou tragique, elle n'est jamais mathématiquement liée à une lésion [...].
Dans des circonstances différentes, par une sorte de sacrifice inconscient, elle offre le paradoxe de protéger l'individu d'une menace terrifiante de destruction de soi, la scarification délibérée est ainsi un paravent contre une souffrance intolérable. Muriel, 16 ans à l'époque, est amoureuse d'un garçon toxicomane souvent en prison pour ses trafics divers. Elle apprend qu'il est à nouveau en garde à vue. Assise sur un banc dans un jardin public elle prend un morceau de verre qui traîne et elle inscrit sur sa peau les initiales de son copain : "T'es tellement malheureuse au fond de toi-même. C'est le chagrin d'amour, tu vois. T'es tellement malheureuse dans ton corps, alors tu te fais mal pour avoir une douleur corporelle plus forte, pour ne pas sentir ta douleur dans le coeur. Tu vois un peu comment c'est ?" Il s'agit alors de se faire mal pour avoir moins mal. Prendre l'initiative de la douleur est une manière de combattre une souffrance qui, elle, est sans contrôle possible."
David Le Breton - Anthropologie de la douleur - Métailié, 2006 - pp. 224-225.
C'est mieux dit. Ou alors c'est le soulagement de le voir compris de l'extérieur.