Encore un dimanche soir.
Ce moment de la semaine me faisait-il autant d'effet auparavant ? Il est aujourd'hui le point de basculement.
Il y a douze mois peut-être, à peine quinze, je me disais que ma mère avait perdu son père à 26 ans et quelques, et me voyant grandir et approcher de ces âges-là, je trouvais que c'était tôt et jeune finalement.
Loin, j'étais loin d'imaginer que j'allais la perdre elle plusieurs années avant cet âge-là. Tout de suite en fait. D'ici quelques mois.
Je n'ai rien soupçonné.
J'en ai rêvé, une fois, la veille de l'annonce du cancer. Mais j'avais plutôt pris ça pour un rêve conjuratoire.
Mais je n'ai rien compris avant les quatre dernières semaines, ou peut-être les deux dernières, là où on se demande juste quel jour ça va tomber. J'avais pensé qu'elle mourrait le 9.
Ces "disparitions" presque rapides nous rappellent que l'on vit dans l'avenir. Dans ce qu'on fera après aujourd'hui. Que la fenêtre avec laquelle on regarde nos vies se dérouler a l'instant présent à son bord gauche, qui continue d'avancer, de se décaler avec le temps, et une marge à droite pour tout ce qui est à venir, parfois déjà partiellement rempli.
La mort trace soudainement un trait définitif au-delà duquel cette personne n'ira jamais. Et ce trait coupe net la partie de droite, écrasant d'un mur noir le futur pourtant déjà chargé de projets.
Le soir de sa mort ma mère avait une place pour un concert à la salle Pleyel. Neslon Freire. J'entends encore sa voix enthousiaste quand je devais acheter les billets pour eux huit mois avant et que j'avais listé les concerts possibles : Nelson Freire ! Mais il est vieux avais-je pensé.
Quelque mois après sa mort elle devait aller faire une formation au Maroc, grâce à une cousine qui travaillait là-bas et avait parlé de ce qu'elle faisait aux bonnes personnes, excitation.
Vingt ans après sa mort elle devait habiter quelque part en région lyonnaise ou dauphinoise et pouvoir être grand-mère. J'avais plus imaginé l'absence de petits-enfants que son absence à elle.
Je n'avais jamais réalisé à quel point mes tantes et ma mère se ressemblaient. Dans les visages, les voix, les intonations. Je n'avais non plus jamais reconnu ma mère dans le visage ridé de sa mère, les lèvres, le menton, ma grand-mère cet été se mettant soudain à chanter avec nous j'ai eu la vision de ce que je ne verrai jamais. J'ai cru reconnaître un fantôme.
Et je ne sais que faire de tout cela.
Ce moment de la semaine me faisait-il autant d'effet auparavant ? Il est aujourd'hui le point de basculement.
Il y a douze mois peut-être, à peine quinze, je me disais que ma mère avait perdu son père à 26 ans et quelques, et me voyant grandir et approcher de ces âges-là, je trouvais que c'était tôt et jeune finalement.
Loin, j'étais loin d'imaginer que j'allais la perdre elle plusieurs années avant cet âge-là. Tout de suite en fait. D'ici quelques mois.
Je n'ai rien soupçonné.
J'en ai rêvé, une fois, la veille de l'annonce du cancer. Mais j'avais plutôt pris ça pour un rêve conjuratoire.
Mais je n'ai rien compris avant les quatre dernières semaines, ou peut-être les deux dernières, là où on se demande juste quel jour ça va tomber. J'avais pensé qu'elle mourrait le 9.
Ces "disparitions" presque rapides nous rappellent que l'on vit dans l'avenir. Dans ce qu'on fera après aujourd'hui. Que la fenêtre avec laquelle on regarde nos vies se dérouler a l'instant présent à son bord gauche, qui continue d'avancer, de se décaler avec le temps, et une marge à droite pour tout ce qui est à venir, parfois déjà partiellement rempli.
La mort trace soudainement un trait définitif au-delà duquel cette personne n'ira jamais. Et ce trait coupe net la partie de droite, écrasant d'un mur noir le futur pourtant déjà chargé de projets.
Le soir de sa mort ma mère avait une place pour un concert à la salle Pleyel. Neslon Freire. J'entends encore sa voix enthousiaste quand je devais acheter les billets pour eux huit mois avant et que j'avais listé les concerts possibles : Nelson Freire ! Mais il est vieux avais-je pensé.
Quelque mois après sa mort elle devait aller faire une formation au Maroc, grâce à une cousine qui travaillait là-bas et avait parlé de ce qu'elle faisait aux bonnes personnes, excitation.
Vingt ans après sa mort elle devait habiter quelque part en région lyonnaise ou dauphinoise et pouvoir être grand-mère. J'avais plus imaginé l'absence de petits-enfants que son absence à elle.
Je n'avais jamais réalisé à quel point mes tantes et ma mère se ressemblaient. Dans les visages, les voix, les intonations. Je n'avais non plus jamais reconnu ma mère dans le visage ridé de sa mère, les lèvres, le menton, ma grand-mère cet été se mettant soudain à chanter avec nous j'ai eu la vision de ce que je ne verrai jamais. J'ai cru reconnaître un fantôme.
Et je ne sais que faire de tout cela.