Samedi 22 décembre 2012 à 3:46

Crise. La nuit, en plein milieu, mais discrètement, que quelqu'un ne passe pas maintenant. Ne peux pas faire ça au jour, que dire, yeux étonnés, gênés, agacés, qui se détournent. Sermonnant. Si j'imagine ma mère dans ces moments je la vois agacée, ras-le-bol de moi en pleurs, en mouchoir mouillé de morve, dégueulasse, molle, indistincte, elle lève les yeux au ciel et se fâche et se désolidarise. plus personne..
Je ne veux pas y aller, mes affaires ne sont pas prêtes, pourtant je n'ai pas travaillé, pas rangé, je ne suis pas sortie, je n'ai pas dormi. Ah si un peu dormi. Etendu une machine. Mangé. Je ne veux pas y aller, risquer d'être dans cet état alors que personne ne comprendra, voir qui n'a pas fait de cadeau, s'en fout, être mise face à ce délitement. Pourquoi j'ai été élevée dans une famille qui s'en fout et je ne m'en fous pas. Pour les cadeaux, pour l'apparence. Scindée, je sais ce qu'ils vont faire, ou je le pense, et je suis d'accord, et j'en souffre, et je m'en méprise.

Je déteste mon père pour ne pas réagir. Je déteste la façon dont il n'écoute pas, ne répond pas, t'oblige à répondre, répond à côté, dévie, ne comprend pas. Je déteste cette impossibilité de parler de ce que je voudrais, et je me déteste pour être du même bois. Je déteste cette manière d'être hautaine, de décider qu'on est pas concerné, de refuser d'aller consoler quelqu'un, de dire ce qu'on suppose qu'il faudrait. je me déteste à hurler quand je vois ces comportements. Je me déteste quand je suis agressive dans le vide, pas constructive, je déteste ces choses que je déteste chez lui et que je retrouve chez moi. Je me déteste pour être incapable de réagir, pour rester comme une larve dans des situations où je devrais "rebondir", je vois les autres qui avancent, je me déteste d'être incapable d'avancer, je me déteste de savoir à peu près ce que je veux mais d'attendre que ça se fasse parce que je ne sais pas par quel bout prendre le truc, c'est trop gros, ça me fait peur, c'est trop compliqué pour moi, faudrait que je me renseigne, je ne sais pas où, je me déteste de pleurnicher, je vois bien que je pense que tout m'est dû, que je n'ai pas à bouger quoi que ce soit pour que ça arrive, que je ne supporte pas la critique,, que je suis incapable de m'améliorer, que je suis encore là à gémir alors que les autres ont déjà réagi,. Et je ne veux pas faire d'effort, je ne veux pas essayer de dire, être un peu plus grande que l'autre en face et parler de ce qu'il faudrait parler, aller jusqu'au fond, essayer de dire ce qu'il voudrait entendre pour voir si ça aide. mais je ne pense pas en fait que ça aiderait, je vais juste être encore plus nue, nulle, vulnérable, avec lui qui fera une drôle de tête, j'ai peur de ça, je n'en peux plus  je pense que tout m'est dû
et puis ce qui aurait pu me réconforter qui ne marche pas. un nounours, mais ta gueule oui, tu sais d'où tu me parles, tu sais où tu me parles ? un nounours, mais je t'emmerde, tu peux pas me dire un truc pareil, tu sais pas où je suis, tu sais même pas, ce que tu insultes, sais même pas ce que tu m'insultes,, une capacité à s'ouvrir, une envie d'être ailleurs, d'être au chaud entre les bras de quelqu'un, de vivre quelque chose, mais TA GEULE,MAIS TA GUEULE de toute façon ton mépris est exaucé, ça ne débouche sur rien, encore rien, et je ne peux pas me coucher par terre pr le récupérer à tout prix, ce quelque chose qui aurait pu être quelque chose, j'ai besoin d'un peu de confiance , je cherche une insulte mais il n'y a rien qui me convienne, un nounours, que le tien crève.que ce que tu as vécu s'efface.
j'ai dû me relever, écrire, mes dents claquaient, j'ai toujours froid mais mes dents claquaient de pleurs, de tension, rictus du visage, du corps qui doit contenir le bruit, l'incompréhension, la souffrance aveugle, sans nom, sans explication, sans justification, qui est là. je me sens essoufflée, toujours, pauvre petite chose, faible, molle, sans résistance, sans endurance
je ne me souvenais plus que ça faisait aussi mal, de passer l'ongle sur la peau. la sentir rouler, et à force s'écorcher un peu, l'ongle court qui appuie, on croit sentir quelque chose. je suis impressionnée de nouveau, fallait-il que j'aille mal pour faire ça pendant des semaines. je ne me souvenais pas qu'il fallait repasser dix fois, vingt fois, ce n'est pas du sang qui sort mais un autre liquide, suintant, et il y aura une croute, si je me souviens bien. on verra demain. il y aura bien encore quelqu'un pour me dire que si j'en ai fais des visibles c'est pour me faire voir, connard, et alors, c'est pas comme si ça changeait votre réaction, hein, regarde bien.
voilà tout ce que je sais faire, j'agresse, l'autre répond, et je me tais.je me tais pour le voir fulminer. s'il ne fulmine pas je suis bien emmerdée. mais prendre sur moi et essayer de dire les choses non, c'est pas possible, ou c'est fini, trop long trop compliqué. trop dangereux. et je sais même pas faire en fait.
je voudrais que des gens insultent mes parents que 'insulte moi-même pour pouvoir insulter ces gens qui manquent de respect à mes parents. je voudrais qu'ils soient injustes et grossiers, cons, bêtes et méchant,s, quelqu'un, pour que je puisse lui casser les dents, lui retourner le bras jusqu'à ce qu'il casse, et le coude, l'épaule, les doigts avec les dents, le nez, le ventre, du sang partout. j'ai même des cibles, j'en ai des frissons de violences, des mouvements  brusques au fond de mon lit, de tout ce que je voudrais leur faire.
et puis ça pourrait me faire hurler de douleur, d'y penser et de le faire, mais je ne peux pas, à peine un gémissement qui franchi mes lèvres pour que personnes entende.
il y a deux ans j'ai passé 8 semaines à me labourer la main gauche et personne ne s'est assis pour m'écouter. je l'ai fait en public, devant le psy, devant la famille et une cousine, dans une soutenance de thèse, dans un bar. je me suis fait engueuler après coup, mes parents ont demandé poliment s'ils pouvaient faire quelque chose, on m'a redonné des médicaments.
j'en espère encore moins.

Samedi 22 décembre 2012 à 1:49

Il a les yeux d'un bleu que je n'arrive pas à retenir.
Ou alors qui change à chaque fois que je le vois.

Je ne sais pas toujours comment me comporter, je n'ose pas poser trop de questions, la situation ne s'y prête pas. Je peux juste espérer que cette espèce de détachement ne l'ennuie pas.
Tu penses à moi quelque fois ?
Il a fait une drôle de moue et j'ai dit en riant que ce n'était pas la bonne réponse.

Je me détache. Je profite et me détache. Je suis détachée de tous. Ca n'a pas de saveur.

(ça n'aura pas la même saveur, de trouver plus tard. C'est pareil que toi, même si, on est toujours seul.) je n'y crois pas

Tentative de rattrapage, plus tard. Séparation nette.

De là-haut je rouvre la fenêtre et vois la trace laissée par sa voiture garée avant la pluie.


Le soir mes yeux tombent sur la rue encore, personne n'a pris sa place.

Dimanche 16 décembre 2012 à 1:30

 
Ce soir j'ai probablement pour la première fois, depuis 2005 que je le parcours, marché tout ce long couloir sombre et un peu glauque de chambres de bonnes sans la lumière. Avec les bruits de la pluie sur les deux vasistas et contre les murs. Ce couloir de chambres vides et de greniers, avec des portes entrouvertes ou fermées à double tour. Le couloir vers les toilettes condamnées sur la gauche, le lavabo qui goutte, sans la lumière.
Les minuscules traits de lumière des interrupteurs à ma droite, ne pas se laisser tenter. Je peux le faire, la tête rentrée dans les épaules, le dos un peu voûté, la peur du noir qui est derrière moi, de ce qui pourrait en sortir.
Je parcours ce couloir à toutes les heures du jour et de la nuit, pieds nus, puis je descends les 36 marches des deux étages de l'escalier de service pour atteindre la porte de la cuisine.
J'y marche à minuit, à 2h, 5h du matin, mais avec la lumière, toujours.
Il est vide.
On ne sait jamais si les portes sont ouvertes ou pas.
La mienne est tout au fond, à l'opposé du décrochement du couloir.
La fenêtre loin en face de moi, qui diffuse une clarté bleue ou grise, sombre, avancer, continuer, avoir l'impression que cette traversée en luttant contre moi-même est hautement symbolique, qu'il va en sortir quelque chose.

Je laisse mes yeux se brouiller à regarder leur sapin clignoter.

J'étais furieuse tout à l'heure. Je ne maudis jamais plus mon niveau de piano que dans ces moments-là. Je voudrais faire plus de bruit, beaucoup plus de bruit. Je joue lentement, ça permet d'ajuster le tir. Je me suis fait mal à l'auriculaire droit.

J'ai parlé par monosyllabes quand il est rentré.
Ca va pas ? Ah bon.
Oui j'ai lu ton mail avait-il dit sur le quai du métro quand j'étais déjà au bord des larmes. 
Si ce mail ne peut pas le faire réagir je ne sais pas ce que.

Je ne devrais pas être là. Je ne veux plus être là.

J'ai passé deux semaines avec une petite bouteille de liquide lentille dans mon sac, au cas où, pour chez le gars qui en avait cherché exprès pour que je puisse rester. Pour la prochaine fois.
Pour rien.
J'ai l'impression que ce fait va résumer ma vie.
Vu dans leurs étagères les Lettres d'amour d'un soldat de vingt ans.
Je n'ai pas écrit de telles lettres. Et je n'en ai pas reçu.
Je ne voudrais pas avoir une vie médiocre.

J'attends des réponses. 
C'est très à la mode de ne pas me répondre, le dernier cri, je vous le conseille, c'est le truc dans le vent.
Aucun d'entre eux.

Par la fenêtre. On avait envie de passer ta soeur par la fenêtre.
Elle me l'a dit spontanément, et j'ai ressenti un soulagement immense, l'impression d'être tirée de quelque part où je m'enfonçais, j'avais peur d'être folle et je ne m'en étais pas rendu compte.
Paranoïaque.

Mais je ne sais pas ce que je veux maintenant, je veux que tout le monde me le dise, qu'on le crie sur les toits, qu'on l'écrive partout sur les murs, qu'on le lui fasse avaler à chaque repas.
"il ne faut pas enfermer les gens dans leur passé" me dit-il.
J'entends ça, mais j'en pleure, oui mais, elle n'est certainement pas enfermé, elle ne le connaît même pas ce passé, et pourquoi j'en pleure ? Pourquoi moi est-ce que j'y suis enfermée ? POURQUOI ?
Qu'est-ce que je voudrais ?

Je réfléchissais à un cadeau pour mon père, et puis je me dis que peut-être je ne devrais rien lui offrir.
 
Faut-il traiter les gens comme on aimerait qu'ils vous traitent ou comme ils veulent être traités ?
 
Et mon cousin qui s'y met : mouais je suis pas trop Noël, ça me rend grognon, pourquoi on devrait se faire des cadeaux.
Oh non eh, tu vas pas suivre !!! C'est pas parce que c'est le seul exemple masculin que tu as sous la main qu'il faut le suivre. Ton oncle est un con, certains jours.

Et j'ai une copine qui me fait des raisonnements pareils.
Bande de cons.
C'est bien parce qu'il ne vous manque personne.

"La vie n'est qu'une longue perte de ceux qu'on aime" me dit Gérard Depardieu dans L'homme qui rit.

Et les gens qui continuent de se rouler des pelles dans les escaliers du métro.
Toutes des pétasses.

J'ai demandé le dossier médical de ma naissance. Juste pour vérifier.

Je ne rentrerai pas dormir.

Tiens maintenant je mets des lignes vides partout. Avant je faisais des gros pâtés bien serrés.


ma cousine se marie. elle m'a dit ça tellement soudainement hier, au téléphone, dans la nuit entre deux métros, une audition, j'ai du mal à enregistrer l'information. je ne connais pas le bonhomme, peu entendu parler de lui. rêvé plutôt positivement, mais je suis inquiète pour elle, je crois.


et lui, le dernier, lui non plus n'a pas répondu.
propose de venir "la semaine prochain". laquelle prochaine ai-je demandé.
rien.
et le pire c'est quand maintenant je sais faire. me désintéresser, attendre une réponse qui pourra me faire partir d'un côté ou d'un autre. pfft. sans états d'âmes.
j'ai peur d'être déjà morte.
ils ne veulent pas, ils ont peur de devenir comme lui me dit ma collègue à propos de ses fils et de leur père mourant.
moi aussi je ne veux pas. et j'ai peur que ce soit déjà trop tard.
comment ça se peut que je comprenne mes deux parents et que je sois malheureuse dans les deux configurations.


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