Anthropologiquement, l'image du corps se structure autour de quatre fonctions symboliques, mutuellement enchevêtrées : la forme, c'est-à-dire le sentiment pour l'acteur de l'unité signifiante des différentes parties de son corps, de leur saisie comme un tout vivant, de leurs limites précises dans l'espace. L'image du corps est aussi construite sur une fonction de contenu : le fait de vivre sa chair comme un univers cohérent et familier, d"identifier comme siennes et signifiantes les stimulations sensorielles qui la traversent. Deux autres fonctions s'articulent aux précédentes : celle du savoir, le recours pour l'acteur à la théorie du corps (ou à l'une de celles) qui circule dans son collectif d'appartenance et lui explique de quoi est fait l'intérieur invisible de son corps, de quelles substances. Et enfin celle de la valeur, c'est-à-dire l'intériorisation par l'acteur du jugement social qui le vise dans ses attributs physiques, sa manière de reprendre à son compte les valeurs différentielles attribuées à différents lieux du corps, etc. Cette dernière composante détermine pour une large part l'estime que l'acteur a de lui-même et l'importance qu'il accordera à telle lésion le touchant.
David Le Breton, Des visages, essai d'anthropologie.
Sciences humaines, Métailié, première édition 1992.
David Le Breton, Des visages, essai d'anthropologie.
Sciences humaines, Métailié, première édition 1992.