J'ai cru longtemps que Papa viendrait me chercher au lycée. Marthe sans doute aussi, qui m'habillait de son mieux, assurant qu'il faut toujours, dans les soucis, faire bonne figure.
En pelisse en col de fourrure, c'est mon grand-père qui vint m'attendre un soir, examinant le groupe sculpté du hall. Il était rude, imposant, cet homme, et tout en lui m'effrayait - cette façon aussi de me pincer la joue en geste d'affection !
M'escortant sur le chemin du retour, il observait chaque maison du Ranelagh. Désirait-il tout abattre pour mieux reconstruire ? On le fera - plus tard et sans lui.
- Ca va bien en classe ? a-t-il demandé.
- En français oui, plutôt.
- Et en maths ?
Silence. Le vieux monsieur s'est écarté :
- Alors, tu es nulle ?
- Pas si on m'aide.
- Il te faut des cours particuliers ? a-t-il fait d'un ton réprobateur.
Il hésite puis il me déclare tout net :
- A quoi bon aider les faibles ?
Cet homme fort, je le revois, plus tard, incliné par l'âge et me tendant pour dessert les biscuits de Reims et le bordeaux vieux qu'on lui réservait. Ce grand-père, avait-il enfin, et sur le tard, besoin d'affection ?
Je n'y pensais plus.
Anne Walter, L'inachevé, Actes Sud, pp. 44-45.
"A quoi bon aider les faibles"
Me l'a-t-on dit, me l'a-t-on fait sentir juste par l'exemple ? En tout cas je suis imprégnée de cette idée, pour moi et pour les autres.
A combattre.
Je suis persuadée maintenant qu'il y a des paliers, et que certaines choses sont tout d'un coup plus facile à un certain moment, dans un certain contexte. Même s'il faut parfois s'accrocher, certes :o)
En pelisse en col de fourrure, c'est mon grand-père qui vint m'attendre un soir, examinant le groupe sculpté du hall. Il était rude, imposant, cet homme, et tout en lui m'effrayait - cette façon aussi de me pincer la joue en geste d'affection !
M'escortant sur le chemin du retour, il observait chaque maison du Ranelagh. Désirait-il tout abattre pour mieux reconstruire ? On le fera - plus tard et sans lui.
- Ca va bien en classe ? a-t-il demandé.
- En français oui, plutôt.
- Et en maths ?
Silence. Le vieux monsieur s'est écarté :
- Alors, tu es nulle ?
- Pas si on m'aide.
- Il te faut des cours particuliers ? a-t-il fait d'un ton réprobateur.
Il hésite puis il me déclare tout net :
- A quoi bon aider les faibles ?
Cet homme fort, je le revois, plus tard, incliné par l'âge et me tendant pour dessert les biscuits de Reims et le bordeaux vieux qu'on lui réservait. Ce grand-père, avait-il enfin, et sur le tard, besoin d'affection ?
Je n'y pensais plus.
Anne Walter, L'inachevé, Actes Sud, pp. 44-45.
"A quoi bon aider les faibles"
Me l'a-t-on dit, me l'a-t-on fait sentir juste par l'exemple ? En tout cas je suis imprégnée de cette idée, pour moi et pour les autres.
A combattre.
Je suis persuadée maintenant qu'il y a des paliers, et que certaines choses sont tout d'un coup plus facile à un certain moment, dans un certain contexte. Même s'il faut parfois s'accrocher, certes :o)