... sur les quais de gare.
En même temps qu'est-ce qui m'a pris, sur le trajet de la gare, ce samedi matin, accompagnée par mon ingénieur de père qui me déposait au train : "papa, tu sais, l'histoire du paysan chinois qui sauve le fils de l'Empereur et qui demande comme récompense des grains de riz : 1 grain pour la 1ère case de l'échiquier, puis 2 pour la 2ème, puis 4, 8, 16 et on double à chaque fois ; et bien sûr il n'y avait pas assez de riz dans tout le royaume pour finir..., tu vois ? Ben comment ça s'exprime, mathématiquement ?"
Mais vraiment, qu'est-ce qui m'a pris ?
Pasqu'en plus je suis prévenue, j'en ai fait des DM de math qui durait le week-end entier, des problèmes de math au moment les plus imprévus, de la trigonométrie avec des roues de vélo, du calcul mental aux caisses des supermarchés... tout lui !
Et là je n'ai pas fait de math depuis 3 ans, et paf, comme ça, ça me prend.
Je gare la voiture, on monte sur le quai, je composte mon billet, mon "permis" (je suis ayant-droit senecefe, j'ai plein de papiers en plus) et vérifie que j'ai ma carte de voyage. Là mon père me tend un papier avec le bic qu'il a toujours sur lui et me prie de développer l'expression précedemment péniblement trouvée dans la voiture.
Ouh que c'est loin les mathématiques...
(je me ferai savant [...] en la mathématique, ouais tu parles !)
Le train arrive et me délivre, je remets le tout entre les mains paternelles. Et suis presque soulagée jusqu'à l'arrivée de la contrôleuse, où je m'aperçois que je n'ai pas rendu que les mathématiques, mais également mon billet et mon permis. Bien sûr :o)
A Lyon, après un coup de téléphone qui m'a permis d'avoir tous les codes figurant sur mon billet et permettant de l'identifier, je fais la queue au guichet.
Là on m'explique que pour je ne sais quelles obscures conditions générales de vente je dois repayer le billet, et j'écrirais ensuite pour me le faire rembourser, vous savez les services qui sont ouverts entre midi et 13h, que le 6 avril, mais pas si c'est un dimanche...
Je réussis à attraper mon bô TGV Paris-Lyon, enfin c'est même pas un des tout nouveaux décorés par Christian Lacroix en parme et vert chartreuse ; de toute façon je suis en sur réservation : strapontin gris.
Pour oublier la douleur qui me monte dans le ventre je m'abîme dans la lecture d'un roman policier autrichien "Quitter Zell". Je suis le héros, un peu paumé, avec son narrateur extérieur collé au basques, qui s'excuse des détours de pensée du personnage dont il a la charge de nous conter l'histoire. Comme un cousin de l'Adamsberg de Fred Vargas...
La douleur est bien accrochée, je me suis offert un café et des M&Ms, je lis, j'engueule la brûlure qui monte, nan d'ailleurs je ne m'en occupe pas.
Ma voisine de couloir est d'humeur badine, elle est avec Xave au téléphone, ça papote...
Avec quoi on peut retirer une douleur, un tire-bouchon ? gnnnn
Combien de temps reste-t-il ? Purée, et encore c'est un TGV. Je marche, décontractée, enfin presque ; je pousse, les avants-bras contre une vitre... Ma pauvre fille, et comment tu vas faire si tu dois accoucher un jour ? Et ben j'en sais rien ma vieille, je ferai ce que je pourrai...
Certains jours ça fait mal d'être une fille.
La mélancolie monte aussi, souvent dans les voyages. Si au moins quelqu'un m'attendait, prêt à me cueillir à l'arrivée, ou si j'étais sûre qu'on pensait à moi. Même s'il n'y avait rien d'autre, si je dois passer ma vie à l'attendre, savoir qu'Il pense à moi, qu'Il ne peut pas s'empêcher de m'aimer ; être Isolde, chanceuse, elle doit peut-être combattre son amour mais elle est sûre qu'il existe, plein et fort.
J'ai fini écrasée dans ma chambre à coucher, à réchauffer mon ventre contre une bouillotte.
D'ailleurs dans ma générosité, je n'ai pas encore réclamé le remboursement à la SNCF.
Et puis de toute façon, quand je fais des math avec mon papa ça finit souvent comme ça :
Et c'est ma participation au Dis Moi Dix Mots - comment ça en retard ?
Pour ton prochain voyage en train pense à glisser un petit Taschenwärmer dans ton sac par sécurité!