Tiens, que passe-t-il à Garnier ce soir ?
J'ai le petit fascicule sur moi : Idoménéo. Un peu de Mozart...
Je marchande et finis par énerver franchement un revendeur qui voulait me faire payer 30 euros un billet marqué 10 en m'assurant que c'était super bien placé. Je fais à l'intérieur la fin de la queue pour les places de dernière minute. Il est 19h20 passé, la sonnerie retentit, j'ai une place en fond de première loge sur le côté gauche pour 7 euros.
Il faut attraper un ouvreur qui a la clef de la loge, c'est toujours aussi chic, portemanteau, grand miroir, banquette de velours rouge, et au fond les chaises sur le théâtre. Le premier rang est occupé, une jeune fille est au deuxième, son père court l'opéra pour trouver meilleure assise, il ne reviendra pas, et elle partira à l'entracte.
Pour l'instant je suis debout contre le riche tissu pour mieux voir l'orchestre, applaudissements - un rien mou - musique.
Je ne connais pas l'histoire mais avec l'aide des surtitres et de mon immense connaissance de la mythologie grecque (et de La Belle Hélène d'Offenbach), je m'en sors. Quoique : mais qui est Idoménée alors, si lui là s'appelle Idamante hein ? Ca me rappelle Fidélio, il y a quelques mois, places de dernières minutes aussi mais tout en haut, loin sur le côté, on voyait à peine la moitié de la scène, et on a passé tout le 1er acte à se demander qui était Fidélio.
Camilla Tilling chante Ilia, très agréable. Et tiens, ben Idamante d'ailleurs, c'est encore Joyce DiDonato en travesti ! Elle voudrait peut-être jouer des rôles de filles des fois ? Elle chantait Roméo la dernière fois que je l'ai vue.
Voix très assurée aussi, les deux se mêlent assez bien. Et elles jouent bien.
Mireille Delunsch en Elletra est peut-être un peu en-dessous, voix moins jeune assurément. Mais Paul Groves illumine le personnage d'Idoménéo (ah ben voilà c'est lui, mais je croyais qu'il était mort, j'ai rien pigé).
Je m'immerge dans l'histoire, la mise en scène, les costumes qui traduisent les groupes de personnages, le décor simple.
Et encore une histoire de fils qui devrait se sacrifier pour le père. Le père ne veut pas finalement, alors c'est son peuple - dont il est le roi - qui prend. Il finit par se décider, il tuera son fils, maintenant qu'on lui a décimé son peuple, quel bon prince.
Ils rejouent le sacrifice d'Isaac avec la variante où c'est le fils qui arme la main de son père. Le père qui n'a pas idée peut-être de demander aux dieux de reprendre leur malédiction, de le prendre lui à la place, pasque n'oublions pas qu'il a tout déclenché quand même.
Non, la société patriarcale c'est que le père prime sur tout, et le fils n'a qu'à se laisser planter le couteau dans le dos.
C'est "il gran sacerdotte" qui apporte finalement une solution plus pacifique. La colère des dieux s'est apaisée, Idoménéo ne fera qu'abdiquer en faveur de son fils. "Qu'est-ce que je veux moi, que tout s'arrange !" comme dit Ménélas dans la Belle Hélène.
Le final laisse les amoureux enlacés, l'union des combattants possibles, dans un decrescendo de l'orchestre qui accompagne le baisser du rideau, et qui a fait - ô horreur - applaudir ce public de mous avant la fin de la musique.
Dans la catégorie "le silence après du Mozart c'est encore du Mozart", ben y'a pas eu de silence après Mozart, je n'ai pu que soupirer très fort pour montrer mon exaspération.
Je trouve que l'orchestre est perpétuellement le parent pauvre dans les spectacles, il est caché dans la fosse, invisible à ces gens du parterre, et on ne l'applaudit pas, peu, alors que c'est bien eux qui ont le plus joué me semble-t-il.
Du coup le vendredi suivant, je me repais d'orchestre.
Texto d'une copine qui est en stage/employée à mi-temps à la salle Pleyel, il lui reste une invitation pour ce soir, l'Orchestre du Capitole de Toulouse, Prokofiev.
J'arrive. ben tiens.
Alexandre Nevski, composé pour le film d'Eisenstein du même nom, arrangé par le compositeur sous une forme de cantate pour être donné en concert.
Le choeur Orfeon Donostiarra, amateur de très haut niveau, donne toutes ses voix à cette puissante célébration du peuple russe. Voix d'hommes très très présentes, ça doit être la première fois que je vois un choeur avec plus d'hommes de de femmes. Sonorité inhabituelle.
L'oeuvre est divisée en sept parties, je perds toujours le fil à un moment, mais j'ai trouvé la quatrième absolument extraordinaire. Départ assez rythmique, qui enfle, grossit et grandit, impression de puissance, d'envol, d'arrachage peut-être, je crois que j'ai presque pleuré, et je suis toujours aussi étonnée des sensations que peut procurer la musique.
J'aime beaucoup avoir l'orchestre en évidence sous les yeux.
Enfin "en évidence" est un peu exagéré, on voit bien mieux les violons à gauche, les contrebasses tout à droite, les harpes en peu surélevées sur la gauche et les percussions au fond... que d'autres. Même les alti, pourtant tout devant, mais qui tiennent bien sûr leur instrument sur l'épaule gauche, et nous en montre donc plutôt le dos.
Il n'importe. La danse des violons est un spectacle. La première violon, assise sur sa chaise, bouge beaucoup tout le haut du corps, s'avance, se plie pour donner les accentuations à tout son pupitre. Je suis toujours fascinée par les archets, tenir la longueur, repartir, presque tourner semble-t-il, s'abattre. Les pizzicati qui les voient tous levés, ballants. Les pauses dans la partition violon qui font descendre l'instrument de l'épaule, détendre un peu le bras, l'oeil attentif, l'archet levé, posé, vers le bas, la droite ou la gauche, forêt hérissée. Puis la main du chef qui fait sauter les violons en place et la main droite se poser tenant l'archet sur la corde. Ou bien le doigt crocheté pour la pincer.
L'entracte me fait voir le foyer et les "toiles" modernes qui sont en fait du béton peint puis gratté, une prochaine fois j'essayerai de percer la signification de ces tableaux immenses.
On fait la queue au bar en se disant qu'on se paierait bien un verre de bordeaux. Mais le barman l'a reconnue, ça va pas être possible, de payer. Les deux verres de rouge aux frais de la princesse les enfants. Ca c'est de l'entracte.
Ensuite Roméo et Juliette, plus connu, j'ai perdu le fil dans les numéros aussi. Et comme je ne savais pas à quelle étape de l'histoire correspondaient les morceaux, je n'ai pas tellement associé. Mais là encore, l'orchestre est beau à voir, et le chef aussi.
Enfin, l'orchestre sera très bien, longtemps, beaucoup applaudi. On aura le droit à trois rappels.
Et on repartira dans la nuit, à parler musique.
Si vous voulez plus de détails, allez voir le compte-rendu de Palpatine sur ce concert.
*
J'ai le petit fascicule sur moi : Idoménéo. Un peu de Mozart...
Je marchande et finis par énerver franchement un revendeur qui voulait me faire payer 30 euros un billet marqué 10 en m'assurant que c'était super bien placé. Je fais à l'intérieur la fin de la queue pour les places de dernière minute. Il est 19h20 passé, la sonnerie retentit, j'ai une place en fond de première loge sur le côté gauche pour 7 euros.
Il faut attraper un ouvreur qui a la clef de la loge, c'est toujours aussi chic, portemanteau, grand miroir, banquette de velours rouge, et au fond les chaises sur le théâtre. Le premier rang est occupé, une jeune fille est au deuxième, son père court l'opéra pour trouver meilleure assise, il ne reviendra pas, et elle partira à l'entracte.
Pour l'instant je suis debout contre le riche tissu pour mieux voir l'orchestre, applaudissements - un rien mou - musique.
Je ne connais pas l'histoire mais avec l'aide des surtitres et de mon immense connaissance de la mythologie grecque (et de La Belle Hélène d'Offenbach), je m'en sors. Quoique : mais qui est Idoménée alors, si lui là s'appelle Idamante hein ? Ca me rappelle Fidélio, il y a quelques mois, places de dernières minutes aussi mais tout en haut, loin sur le côté, on voyait à peine la moitié de la scène, et on a passé tout le 1er acte à se demander qui était Fidélio.
Camilla Tilling chante Ilia, très agréable. Et tiens, ben Idamante d'ailleurs, c'est encore Joyce DiDonato en travesti ! Elle voudrait peut-être jouer des rôles de filles des fois ? Elle chantait Roméo la dernière fois que je l'ai vue.
Voix très assurée aussi, les deux se mêlent assez bien. Et elles jouent bien.
Mireille Delunsch en Elletra est peut-être un peu en-dessous, voix moins jeune assurément. Mais Paul Groves illumine le personnage d'Idoménéo (ah ben voilà c'est lui, mais je croyais qu'il était mort, j'ai rien pigé).
Je m'immerge dans l'histoire, la mise en scène, les costumes qui traduisent les groupes de personnages, le décor simple.
Et encore une histoire de fils qui devrait se sacrifier pour le père. Le père ne veut pas finalement, alors c'est son peuple - dont il est le roi - qui prend. Il finit par se décider, il tuera son fils, maintenant qu'on lui a décimé son peuple, quel bon prince.
Ils rejouent le sacrifice d'Isaac avec la variante où c'est le fils qui arme la main de son père. Le père qui n'a pas idée peut-être de demander aux dieux de reprendre leur malédiction, de le prendre lui à la place, pasque n'oublions pas qu'il a tout déclenché quand même.
Non, la société patriarcale c'est que le père prime sur tout, et le fils n'a qu'à se laisser planter le couteau dans le dos.
C'est "il gran sacerdotte" qui apporte finalement une solution plus pacifique. La colère des dieux s'est apaisée, Idoménéo ne fera qu'abdiquer en faveur de son fils. "Qu'est-ce que je veux moi, que tout s'arrange !" comme dit Ménélas dans la Belle Hélène.
Le final laisse les amoureux enlacés, l'union des combattants possibles, dans un decrescendo de l'orchestre qui accompagne le baisser du rideau, et qui a fait - ô horreur - applaudir ce public de mous avant la fin de la musique.
Dans la catégorie "le silence après du Mozart c'est encore du Mozart", ben y'a pas eu de silence après Mozart, je n'ai pu que soupirer très fort pour montrer mon exaspération.
Je trouve que l'orchestre est perpétuellement le parent pauvre dans les spectacles, il est caché dans la fosse, invisible à ces gens du parterre, et on ne l'applaudit pas, peu, alors que c'est bien eux qui ont le plus joué me semble-t-il.
Du coup le vendredi suivant, je me repais d'orchestre.
Texto d'une copine qui est en stage/employée à mi-temps à la salle Pleyel, il lui reste une invitation pour ce soir, l'Orchestre du Capitole de Toulouse, Prokofiev.
J'arrive. ben tiens.
Alexandre Nevski, composé pour le film d'Eisenstein du même nom, arrangé par le compositeur sous une forme de cantate pour être donné en concert.
Le choeur Orfeon Donostiarra, amateur de très haut niveau, donne toutes ses voix à cette puissante célébration du peuple russe. Voix d'hommes très très présentes, ça doit être la première fois que je vois un choeur avec plus d'hommes de de femmes. Sonorité inhabituelle.
L'oeuvre est divisée en sept parties, je perds toujours le fil à un moment, mais j'ai trouvé la quatrième absolument extraordinaire. Départ assez rythmique, qui enfle, grossit et grandit, impression de puissance, d'envol, d'arrachage peut-être, je crois que j'ai presque pleuré, et je suis toujours aussi étonnée des sensations que peut procurer la musique.
J'aime beaucoup avoir l'orchestre en évidence sous les yeux.
Enfin "en évidence" est un peu exagéré, on voit bien mieux les violons à gauche, les contrebasses tout à droite, les harpes en peu surélevées sur la gauche et les percussions au fond... que d'autres. Même les alti, pourtant tout devant, mais qui tiennent bien sûr leur instrument sur l'épaule gauche, et nous en montre donc plutôt le dos.
Il n'importe. La danse des violons est un spectacle. La première violon, assise sur sa chaise, bouge beaucoup tout le haut du corps, s'avance, se plie pour donner les accentuations à tout son pupitre. Je suis toujours fascinée par les archets, tenir la longueur, repartir, presque tourner semble-t-il, s'abattre. Les pizzicati qui les voient tous levés, ballants. Les pauses dans la partition violon qui font descendre l'instrument de l'épaule, détendre un peu le bras, l'oeil attentif, l'archet levé, posé, vers le bas, la droite ou la gauche, forêt hérissée. Puis la main du chef qui fait sauter les violons en place et la main droite se poser tenant l'archet sur la corde. Ou bien le doigt crocheté pour la pincer.
L'entracte me fait voir le foyer et les "toiles" modernes qui sont en fait du béton peint puis gratté, une prochaine fois j'essayerai de percer la signification de ces tableaux immenses.
On fait la queue au bar en se disant qu'on se paierait bien un verre de bordeaux. Mais le barman l'a reconnue, ça va pas être possible, de payer. Les deux verres de rouge aux frais de la princesse les enfants. Ca c'est de l'entracte.
Ensuite Roméo et Juliette, plus connu, j'ai perdu le fil dans les numéros aussi. Et comme je ne savais pas à quelle étape de l'histoire correspondaient les morceaux, je n'ai pas tellement associé. Mais là encore, l'orchestre est beau à voir, et le chef aussi.
Enfin, l'orchestre sera très bien, longtemps, beaucoup applaudi. On aura le droit à trois rappels.
Et on repartira dans la nuit, à parler musique.
Si vous voulez plus de détails, allez voir le compte-rendu de Palpatine sur ce concert.
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Je suis assez d'accord au sujet des voix dans Idoménée.
Ma place était encore plus pourrite : troisième loge, *deuxième rang* ; à l'avenir, je crois que je refuserai de réserver du deuxième rang dans les hauteurs et de côté : on n'y voit que la moitié de la scène, et dans cette production, depuis le côté cour, on ne voyait à peu près rien du premier acte... (ce que tu as veçu, ainsi que Mme Abricot pour Fidélio ; en ce qui me concerne, j'avais loupé l'étape « réservation »)