Jeudi 31 mai 2012 à 18:38

Recevoir des courriels publicitaires ayant pour objet "maman j'ai trouvé ton cadeau", j'aurais pu croire que ça me ferait quelque chose. Je crois que de toute façon je ne me suis jamais sentie concernée, visée par ces textes-là.
Ca ne me fait rien. Pas grand'chose, rien.
Plus rien ne me touche me semble-t-il. J'ai l'impression de sombrer peu à peu dans un détachement total. J'ai un métier pas pénible qui me rapporte de quoi vivre, je me renseigne pour la suite, rien ne me transporte de passion, on continuera pareil, il paraît que c'est ça la vie, je n'ai le droit qu'à ces côtés-là. Je dois faire les courses, préparer à manger, manger, travailler, et me divertir paraît-il. Je sombre.
J'envoie quelques messages enjoués, comme des tentatives d'appel, discrètes, mais n'ai su maintenir aucun lien.
Je me vois à la fois anxieuse de la réponse, presque folle, et résignée et détachée.
Parfois j'aurais préféré ne pas avoir de réponse. "Mon homme", que je hais cette phrase, une fois, deux fois dans le message. En regardant le passé, et aujourd'hui, une petite voix me souffle de ne pas me couper des mes amies au fur et à mesure qu'elles se mettront en couple, bientôt il ne restera que moi, doublement seule.
Je n'ai pas voulu y croire, je n'ai pas voulu hausser les épaules et m'y résoudre, je ne me crois pas fataliste, mais je dois bien dire qu'à cinq semaines de mes vingt-cinq ans, je n'en peux plus de faire bonne figure, et j'ai bien envie de pleurer.
Pourquoi faut-il ?
Voilà qui me fait prêter le flanc à toutes les critiques, les comparaisons, les peurs, les angoisses, les démoralisations et les dévalorisations. Et je n'ai rien accompli en parallèle qui explique la situation, une réussite au prix d'un grand travail qui m'aurait couté les relations sociales. Non, rien de particulièrement réussi. Rien que les autres n'arrivent à combiner. Les autres qui ont tous vécu ce que je n'arrive pas à enclencher, puisque c'est ma faute paraît-il.
Je ne sais plus parler. Small talk, tout ça. Je n'arriverai pas à répondre. Et je suis lasse de me réconcilier.
J'ai l'impression de rester assise au milieu d'une cage de verre qui s'agrandit de plus en plus.

La mère d'un petit patient mercredi me demande si ça va, comme ça se passe, je manque lui confier mes états d'âme avant de comprendre in extremis qu'elle parle des séances avec son fils évidemment.

Mercredi 23 mai 2012 à 22:25

Je croyais en avoir fini avec le poids de la filiation mère-fille, et les histoires, et les comparaisons, et les analyses, et les supputations ou calculs ou conjectures et rêves sur le futur, et voilà que je me prends la filiation tante-nièce dans la gueule. Je l'avais pas vu venir. Ce n'était pas son genre jusque là, les rares fois où j'avais approché du sujet elle avait paru ne pas comprendre de quoi je parlais. C'est donc pire que pire parce qu'elle déverse mais je pense qu'elle n'a pas conscience de l'écrasement qui pourrait me saisir, et ne fera pas de méta-analyse. Je n'ai envie pas de le lui proposer, je n'en ai plus envie !! Merde ! Ca faisait un an que je vivais tranquillement, sans être tout le temps en train de comparer, de sentir, de palper ce que je faisais, pensais, sentais de pareil que ma mère.
Des semaines que tout allait bien, après le choc mi-avril, je m'étais remise, je m'étais endurcie, j'avais coupé un dernier pont, et revoilà les larmes, je ne sais même plus pourquoi.
Elle me promet justement de l'endurcissement, de la maturation ou de la maturité, de la solitude dans la généralité. "Nous", "on", je pense qu'au début elle inclut ma mère, et puis soudain elle s'en détache pour m'entraîner avec elle au loin, me ravir les filiations positives que je pourrais espérer avoir, peut-être, même si ce n'est pas évident je pourrais me dire que c'est en moi et que ça sortira un jour. La pensée me traverse qu'elle se considère comme sa soeur en moins bien, il y a des psychanalyses qui se perdent.

J'ai vu ce que c'était pour ma mère de se retrouver en moi et le mal qu'elle avait à ne pas (se) faire la remarque, à ne pas s'inquiéter, craindre, en parler, espérer, "débrieffer", je crains déjà pour moi-même si jamais un jour je devais... Ce serait à espérer ne pas avoir de fille. Mais là j'en ai marre, je voudrais avoir l'illusion, comme tous les autres qui ne perçoivent même pas ces choses-là, que je vis ma vie tranquillement, seule, en maîtresse de mes émotions, de mes décisions, de mon parcours.

Je ne sais même plus ce qui m'a fait jaillir les larmes au départ, et puis ça s'est rajouté, accumulé, encore des considérations, des comparaisons, des jugements qui étiquettent, te promettent le même caractère, les mêmes tristesses, les mêmes malheurs ou mauvaises heures, la même solitude, et qui sont dits, encore, encore d'autres, c'est trop tard, je les ai entendus.
Et je ne sais pas si je voudrais en parler, j'ai perdu l'habitude déjà. De toute façon il n'y a personne, c'est bien la peine.

Créer un podcast