Vendredi 27 avril 2012 à 21:06

Je me suis enfin inscrite à la bibliothèque de la ville d'à-côté, pas immense mais c'est déjà ça. J'ai emprunté six ou sept bouquins d'un coup. Alors que j'ai encore des choses qu'on m'a offertes il y a plusieurs années et que je n'ai pas lues, et puis d'autres livres que j'ai achetées récemment ou il y a plusieurs mois et qui ne sont toujours pas ouverts. En plus des bouquins qu'on m'a prêtés et qu'il faudrait quand même que je rende dans un délai raisonnable, donc les lire.
Je rentre en me disant que je vais tout faire ce soir, cette nuit. J'ai toujours l'impression au soir d'avoir devant moi un temps infini, et que je vais pouvoir réaliser des merveilles et que demain je serai apaisée.

En fait je tire sur la corde du sommeil. Les yeux tirés font partie de la lecture, de son plaisir peut-être, mais aussi de son exigence. L'impossibilité de lâcher un bouquin comme celui de lâcher le paquet de biscuits (qui m'est maintenant interdit, remplacé par des bonbons). Il est quelques livres que j'arrive à lire de manière raisonnable, mais c'est rare. Je ne suis pas une lectrice raisonnable, je déteste lire sagement, un chapitre par un chapitre. Même s'il doit m'arriver de dire que ça fait partie de mon idéal d'accomplissement, comme faire du sport et du chant tous les jours. Moi qui suis experte dans la retenue et la frustration de soi dans bien des domaines, je refuse de saucissonner les aventures des personnages, de leur assigner des horaires où je daignerai les rejoindre. Lire un roman ce n'est pas faire venir des vies nouvelles jusqu'à moi, c'est aller jusqu'à elles, me plonger dedans, et n'accepter d'en ressortir que par absolue nécessité, ou pour un soupçon de bienséance (les cours, les repas lors des vacances familiales). C'est moi qui vais vivre leurs vies avec eux. Ce ne sont pas leurs aventures qui vont déteindre sur ma terne existence.

J'essaye aussi d'exorciser ma nouvelle "rechute" de romans à l'eau de rose, ceux-là aussi se lisent extrêmement vite, ne nourrissent pas toujours suffisamment, et comme le paquet de bonbons qu'il m'arrive parfois au prix d'un grand effort de volonté de lancer sur le canapé hors de ma portée, j'aimerais pouvoir en arrêter ma consommation.
Je ne sais pas si je les considère comme indignes, peut-être, sûrement, je ne les inscris pas dans ma liste de bouquins en cours sur ce blog par exemple. Et surtout je me dis que dans une autre vie je n'en aurais pas eu autant envie.
Je me dis de temps en temps qu'il va bien falloir que je retourne mettre les choses à plat sur ce que je pense de ça, encore, maintenant. Puisque même le psy, qui était payé pour, n'a pas voulu en entendre parler. J'ai toujours peur de me monter la tête quand je dis ça, et en même temps j'en suis tellement sûre. C'était déjà dur pour moi, à dire, à formuler, à reconnaître, à savoir qu'en dire, à accepter d'en dire quelque chose. Et en même temps j'aurais tellement voulu en parler, le touiller, le secouer, l'ouvrir, le disséquer, en disséminer les morceaux, les ratatiner pour voir, même si ça devait bouger encore après tout ça.

Pense-t-on des choses en-dehors de notre rapport aux autres ? A ce que les autres en pensent ? Sûrement, mais ça n'a déjà plus grand chose à voir.



Je me dis que j'aurais dû raconter des petites choses d'ici, façon instantané de société, qui auraient sûrement pu rebondir les uns sur les autres, et l'actualité. 
Mais non je n'arrive qu'à gémir sur mon sort. C'est affligeant, attristant, déplorable, déprimant, désolant, émouvant, lamentable, pénible, pitoyable. pitoyable.

Jeudi 26 avril 2012 à 21:52

Tombée cet après-midi sur M. Onfray sur France Inter.
Je n'ai pas lu ses ouvrages, je ne peux donc avoir d'avis sur le personnage, à part qu'il a l'air provocateur et semble souvent à charge.

Mais il a cité Sartre avec une phrase que je ne connaissais pas du tout et que je trouve juste, très intéressante :

Au-delà de ce que je suis de par l'hérédité et de ce qu'on a fait de moi par le milieu et l'éducation, il y a ce que je fais avec ce que je suis et ce qu'on a fait de moi.
(pas de source)

Formulé par Onfray ça donnait :
nous sommes ce que nous faisons de ce qu'on a voulu faire de nous.

Du coup j'en ai trouvé une autre, issue des Mains sales, qui me plaît infiniment, moi qui aime à me penser comme ayant été une enfant (infiniment) sage, même s'il m'arrive de trouver quelques contre-exemples :

Ce sont les enfants sages, Madame, qui font les révolutionnaires les plus terribles. Ils ne disent rien, ils ne se cachent pas sous la table, ils ne mangent qu'un bonbon à la fois, mais plus tard ils le font payer cher à la société. Méfiez-vous des enfants sages !

Jeudi 19 avril 2012 à 23:32

Alors que j'étais hébergée chez une cousine de ma maman que j'aime beaucoup, au sec au chaud en sécurité dans un grand lit dans une belle maison, cauchemar que j'ai pu rapprocher d'un autre qui date de plusieurs années.
Me faire poursuivre, harceler, moquer, rattraper.
Entendre dire que de toute façon je ne peux pas m'échapper, je suis trop repérable, peut-être trop faible pour m'échapper.
Dans un centre commercial je cours et je tourne entre les rayons, sol et étalage noirs brillants, autour du carré des escaliers à la balustrade plastifiée. J'essaye de parler, me fait rembarrer, refuse de répéter. A la faveur d'une coupure de courant j'essaye de changer d'apparence pour m'enfuir, enlever un gilet, mais il paraît que ça ne servira à rien. 
Pourtant me voilà qui approche de chez moi, mon immeuble, mon père, même si les alentours ont changé, je me dis qu'il y a eu des travaux pendant mon absence, une grande grille verte de parc parisien. Du sable ou de la terre battue.
Le portable qui sonne à ce moment-là, si proche du soulagement et du sentiment de protection que m'aurait procuré l'atteinte de l'immeuble, m'a déchirée d'angoisse.

Je ne sais plus quoi penser.
Comment ai-je fabriqué ce rêve ?
La situation est-elle la même ? Est-ce un indice d'une sensation profonde que je pourrais prendre comme un signe de moi à moi ? N'est-ce qu'une chimère indiquant que je me monte la tête moi-même ?
Pourrais-je arriver à redresser une situation qui me fait rêver des choses pareilles ? Mais puisqu'il paraît que de toute façon, non, il y a quelque chose de pourri.
Je me sens lâche et démunie.

Il faut demain que je me rachète un carnet, trop de pages à noircir, et de nouveau c'est ma seule issue.
J'ai dû faire ça sur une grande feuille double quadrillée, mais c'est trop grand, trop large, à l'air libre. Les pages du carnet qu'on referme sur lui-même pour symboliser la petite boule noire qui bouffe l'esprit ont leur importance, et mes deux carnets déjà sont finis. J'avais pu y changer de sujet au bout d'un moment, le second renferme des lignes plus apaisées, un ou deux récits de petits voyages.
Griffonner, gribouiller, baver sur ces carnets d'une écriture irrégulière et quasiment illisible, rarement relue. Je n'ai jamais su ce que ça avait comme effet, ça n'arrange rien, ça peut aider à sérier, à voir les faits, les ranger, les dire, les comprendre. Ca ne résout rien. Mais parfois c'est urgent.

Je n'ai pas envie de rechercher ici un professionnel pour parler. Encore trop fâchée. Beaucoup de mal à comprendre qu'on peut changer, et voudrais d'abord aller faire dire ses torts à l'autre. Lui faire comprendre, lui expliquer ce qu'il a mal fait maintenant peut-être que j'y vois mieux avec quelques mois de recul, le confronter, le faire parler lui aussi, et continuer une relation, qui est déjà établie, dans l'opposition et la confrontation, violente, mais qui permet alors si on se prend de haut, si on se méprise peut-être, si on ne s'entend pas, si on se fâche, se colère, s'exaspère, se courrouce, se furieuse, se hargne, s'indispose, de dire les choses qui feront avancer le schmilblick.

Vendredi 13 avril 2012 à 23:07

J'ai mal à la gorge d'avoir hurlé, mais je ne dis pas que ça ne va pas recommencer. J'ai des marques d'ongles sur le décolleté que je sens sans les voir, j'imagine les chairs qui se déchirent roses et rouges et ça m'apaise.

Je suis quelqu'un en négatif, je n'aime pas faire d'esclandre, je crois, ou en tout cas j'en rêve beaucoup mais je n'y arrive jamais en situation. Je ne suis pas tellement grande gueule, les répliques me viennent toujours trop tard.
Il se trouve que je réussis plutôt à me faire remarquer par mon absence, mon refus de parler, ma sortie de la communication.
C'est ma manière de faire pression et de dire eh, je suis là.
Encore faut-il que l'autre partie s'en rende compte.

Cet été trois semaines se silence parce que je l'avais prévenu d'écrire en premier. Trois semaines de peur et de questionnement. Mais dans le mail qui avait finit par arriver il avait écrit "c'est bon, tu peux te remettre à m'écrire maintenant", quelque chose comme ça, il avait remarqué. Soulagement intense parmi d'autres.
Dans des soirées où je sature, ou bien où la conversation ne me plaît pas, je ne monte pas sur mes grands chevaux, je m'éloigne, à peine, je prends un bouquin et je lis "ostensiblement" dans un coin de la pièce, ou plus haut dans les étages sur les marches de l'escalier des combles. Ce n'est pas toujours fait pour me faire remarquer, parfois, mais pas toujours.
Je ne sais pas réclamer, quêter, aller chercher, parce que j'irais alors demander quelque chose auquel je ne crois nullement avoir droit. Et pour aller demander quelque chose, il vaut mieux croire qu'on y a droit.
Alors j'ai l'impression comme ça de laisser le choix.
Quelque fois je me demande si je ne fais pas presque exprès, mais sans le maîtriser.
Ce week-end, Pâques, envahissement de mon nouveau chez-moi par la famille. Grosse crise de larmes pile au moment du dîner, je n'ai pas pu y aller, j'ai essayé et à chaque fois que je m'approchais de la porte ça repartait. Ma tante est montée voir, ça allait mieux à ce moment mais j'avais déjà compris que je ne pourrais pas descendre. Et j'ai eu honte de vouloir me faire remarquer en ayant l'air de refuser de passer à table avec tout le monde, comme si... je ne sais pas.
Ma petite soeur est montée me faire un bisou, et à elle non plus je n'ai pas pu dire grand chose.
J'ai pu partir avec ceux qui y allaient à la messe.

Mais là de nouveau explosion, cris intérieurs, crissements, trop-plein, dégoulinements. Je n'ai pas pu suivre la cérémonie dans la petite église, ni même le feu et les cierges dehors au tout début. Je suis restée cachée derrière le mur du parvis, je crois que j'avais quelque chose dans les mains, je ne sais plus. J'avais froid, mal aux pieds, et je pleurais à chaudes larmes ou par hoquets, les deux peut-être.
Mon père est venu demander s'il pouvait faire quelque chose, j'ai dit non merci je ne crois pas. Je crois que j'aurais aimé lui faire un câlin, ou qu'il m'en fasse un, tout en sachant que ce n'était pas envisageable et que ce n'était pas tout à fait ça que je voulais, que j'attendais, espérais.
Mais sa voix et sa présence devant moi, dans une phrase qui ne s'adressait qu'à moi m'ont touchée et remuée.

On est rentrés et ça a été dur. J'ai croisé avant de partir le grand-oncle et la grande-tante qui m'ont logée au début, ils ont été gentils, j'ai pu lui glisser à elle que ce n'était pas la forme. Elle a dit qu'elle me voyait larmoyante. Mais la dernière phrase que j'ai cru entendre c'est "prends sur toi".

Je suis montée me mettre au lit au deuxième étage, j'avais laissé ma chambre au premier à ma grand-mère.
Et j'ai lu jusqu'à quatre heures et demie du matin, les yeux explosés de fatigue, la peau tirant autour, la nuque raide, pour échapper à ma pensée et comme si la présence d'adultes plus âgés dans la maison me faisait immédiatement reprendre une position de jeune "pas raisonnable" qui sera cadrée par l'extérieur, peut donc se coucher extrêmement tard et dormir toute la matinée pour emmerder un peu le monde.
Je suis réveillée par mes larmes, presque un cauchemar, des cauchemars, des hurlements encore, rauques pour ne pas qu'ils s'entendent à côté, la détresse la jalousie l'injustice le mal-être dans toute son emprise et l'envie de s'enfuir de soi-même qui affleure malgré l'extrême sensation de claustration qui fait se tendre tous les muscles.

Il me semble que ça s'est un peu calmé dans la journée du dimanche. J'ai encore lu tard et dormi tard le lundi.

Alors je vais devoir revenir écrire ici comme un dévidoir qu'il ne faut pas interpréter. Tant pis pour vous. Les temps sont morts. Encore un tour.

Jeudi 12 avril 2012 à 2:28

Je voudrais pouvoir pleurer à chaudes larmes, mais ça ne marche pas comme ça. Ce ne sont que cris, hurlements, hoquets, halètements, mains tordues et retournées. Je fais mon possible pour ne rien abîmer. Mais tout est trop déprimant, désespérant, communication d'idées noires. Rien, trop tard, finir, temps. Irrécupérable, relevable, démontable, sauvable. Crash. Parce que voilà, mauvais pied  ? Mauvaise pente. 
Les petits îlots de certitude, perdus.
Je voudrais être en train de dormir, et je ne veux pas me coucher, pas me réveiller.

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