Lundi 28 janvier 2013 à 2:29

Un rêve encore, extrêmement précis, extrêmement fort.
Dur.
Je me suis réveillée avec une aversion terrible envers une amie, une fureur, une détestation, un dégoût total. Je ne sais même pas comment le décrire, le goût de la trahison, de l'humiliation.
On se préparait - dans une agitation joyeuse de toute une maison, je ne sais pas qui étaient les autres - pour aller à une fête, un mariage peut-être, et j'étais particulièrement excitée parce que j'allais y voir ou revoir quelqu'un qui me plaisait beaucoup. Est-ce que ça n'allait pas être la première fois que je le voyais ? Comment le connaissais-je ? L'attente était-elle réciproque ? En tout cas cette rencontre m'était très importante. J'étais très impatiente, en effervescence presque.
A quel moment ? Sur le départ, déjà en route ? Elle m'explique que nan mais en fait on va voir ce gars parce que c'est leur mariage là, à elle et lui, ben oui, ensemble, elle le connaît en fait, elle sort avec lui ; j'étais tout heureuse de le rencontrer mais ça arrivera à peine, il s'en fout, il se marie avec elle. Hein ? Son copain bidule ? (Son vrai copain dans la vraie vie) ah mais non j'avais rien compris, mais non ils sortaient pas ensemble, ils s'étaient installés ensemble mais ça voulait rien dire voyons, j'avais cru que... ? Pffff, je suis un peu conne quand même.
Tant mieux il était laid ai-je dit par méchanceté.

C'est difficile à décrire. Le contenu du rêve a peut-être peu d'importance.
Je me réveille dans un état second avec de la colère et du choc et de la peur et de la tristesse.
Et je suis étonnée dans l'après-midi d'avoir envie de lui envoyer un message anecdotique, à cette copine. Me dire je ne peux pas, après ce qu'elle m'a fait, me souvenir que c'était un rêve, envoyer le message mais se sentir coupée, anesthésiée, comme on envoie une bêtise gentille pour relancer le dialogue après une grosse dispute mais qu'on ne sait même pas si on en a envie. Et ne pas lui répondre.


Dimanche 27 janvier 2013 à 22:52

 
J'ai cru longtemps que Papa viendrait me chercher au lycée. Marthe sans doute aussi, qui m'habillait de son mieux, assurant qu'il faut toujours, dans les soucis, faire bonne figure.
   En pelisse en col de fourrure, c'est mon grand-père qui vint m'attendre un soir, examinant le groupe sculpté du hall. Il était rude, imposant, cet homme, et tout en lui m'effrayait - cette façon aussi de me pincer la joue en geste d'affection !
   M'escortant sur le chemin du retour, il observait chaque maison du Ranelagh. Désirait-il tout abattre pour mieux reconstruire ? On le fera - plus tard et sans lui.
 - Ca va bien en classe ? a-t-il demandé.
 - En français oui, plutôt.
 - Et en maths ?
Silence. Le vieux monsieur s'est écarté :
 - Alors, tu es nulle ?
 - Pas si on m'aide.
 - Il te faut des cours particuliers ? a-t-il fait d'un ton réprobateur.
   Il hésite puis il me déclare tout net :
 - A quoi bon aider les faibles ?

   Cet homme fort, je le revois, plus tard, incliné par l'âge et me tendant pour dessert les biscuits de Reims et le bordeaux vieux qu'on lui réservait. Ce grand-père, avait-il enfin, et sur le tard, besoin d'affection ?
   Je n'y pensais plus.

Anne Walter, L'inachevé, Actes Sud, pp. 44-45.


"A quoi bon aider les faibles"
Me l'a-t-on dit, me l'a-t-on fait sentir juste par l'exemple ? En tout cas je suis imprégnée de cette idée, pour moi et pour les autres.
A combattre.
Je suis persuadée maintenant qu'il y a des paliers, et que certaines choses sont tout d'un coup plus facile à un certain moment, dans un certain contexte. Même s'il faut parfois s'accrocher, certes :o)


Mardi 15 janvier 2013 à 23:06

Anthropologiquement, l'image du corps se structure autour de quatre fonctions symboliques, mutuellement enchevêtrées : la forme, c'est-à-dire le sentiment pour l'acteur de l'unité signifiante des différentes parties de son corps, de leur saisie comme un tout vivant, de leurs limites précises dans l'espace. L'image du corps est aussi construite sur une fonction de contenu : le fait de vivre sa chair comme un univers cohérent et familier, d"identifier comme siennes et signifiantes les stimulations sensorielles qui la traversent. Deux autres fonctions s'articulent aux précédentes : celle du savoir, le recours pour l'acteur à la théorie du corps (ou à l'une de celles) qui circule dans son collectif d'appartenance et lui explique de quoi est fait l'intérieur invisible de son corps, de quelles substances. Et enfin celle de la valeur, c'est-à-dire l'intériorisation par l'acteur du jugement social qui le vise dans ses attributs physiques, sa manière de reprendre à son compte les valeurs différentielles attribuées à différents lieux du corps, etc. Cette dernière composante détermine pour une large part l'estime que l'acteur a de lui-même et l'importance qu'il accordera à telle lésion le touchant.

David Le Breton, Des visages, essai d'anthropologie.
Sciences humaines, Métailié, première édition 1992.

Dimanche 13 janvier 2013 à 2:14

En cherchant du papier journal pour mes chaussures, je continue à trouver, dans la pile à jeter de l'entrée, les dossiers de travail de ma mère, que mon père jette, peu à peu.
J'en avais déjà récupéré plusieurs, incapable de laisser partir ce qu'elle avait attendu si longtemps de faire, son écriture, son travail, ces sigles et ces noms d'exercices que je connaissais mais dont je ne connais pas la signification.
Là encore j'ai repris deux dossiers. En pleurs, j'essaie de me souvenir de ce qu'elle en disait quand elle parlait de ses sessions de formation, de ce qui avait été intéressant, de ce qu'elle avait pu transmettre, des retours qu'elle avait eus. Il y a des pages et des pages de notes ou de séances de travail avec son écriture. Aide à l'orientation, à la prise de décision, exercices en groupe, étapes. Et j'en aurais tellement besoin. C'est à hurler.
C'est à hurler tellement elle me manque, pour trop de raisons. C'est à hurler tellement c'est injuste. Hein, pourquoi moi je devais perdre ma mère maintenant, et vous me parlez de vos grands-parents, je veux bien, sûrement vous les aimiez beaucoup, mais je crois qu'on ne s'écoute pas.
Ca paraît un événement beaucoup trop tragique pour ma petite vie de petite fille moyenne.
De toute façon je trouverais quelque chose pour râler. Mais là c'est un peu trop. Et on ne s'écoute pas.

Il paraît que je me plains toujours.

L'angoisse adhère à ma peau comme un masque de cire.
Je viens de lire ça chez
Kozlika. Un vers, une phrase du Dialogue des Carmélites sans doute.

L'angoisse de penser que je suis à un parent de l'orphelinat, de l'orphelinage. Un décès, une vie, une fin de vie, c'est si peu. Ca peut aller si vite de mourir.
Et l'idée insupportable qu'il tend vers ça. Pas activement, sa religion le lui interdit, mais qu'il ne fera rien contre.
J'ai rêvé, très très clairement, il y a plusieurs mois, ou presque un an, qu'il allait mourir. Bientôt. Qu'il le savait, qu'il refusait absolument d'aller soigner quoi que ce soit, il s'était enfermé dans une pièce de château, un bureau, avec une cheminée, une grande fenêtre à droite aux rideaux tirés et devant laquelle il se tenait, maigre et pâle, refusant.
J'ai la sensation très nette qu'il refuserait tout traitement, toute consultation, et surtout qu'il refuserait de continuer à vivre, qu'il refuserait de se battre, et qu'il nous laisserait toutes seules sans état d'âme, en disant c'est comme ça, la vie est dure, on a pas tout ce qu'on veut dans la vie.

Ca c'est sûr, on n'a pas ce qu'on veut parce qu'on ne fait rien, vous ne faites rien, vous ne savez même pas ce que vous voulez et vous ne vous battez pas, vous n'avez pas d'ambition, vous avancez droit, stiff upper lip, keep calm and carry on, et vous ne savez même pas ce que vous avez fait de votre vie, sans parler de ce que vous voul(i)ez faire de votre vie.
En tout cas moi je ne sais pas ce que je veux, je n'ai pas d'ambition, je vais tout droit sans réfléchir et je n'arrive nulle part.
Et je vous en veux pour ça.
 

Samedi 22 décembre 2012 à 3:46

Crise. La nuit, en plein milieu, mais discrètement, que quelqu'un ne passe pas maintenant. Ne peux pas faire ça au jour, que dire, yeux étonnés, gênés, agacés, qui se détournent. Sermonnant. Si j'imagine ma mère dans ces moments je la vois agacée, ras-le-bol de moi en pleurs, en mouchoir mouillé de morve, dégueulasse, molle, indistincte, elle lève les yeux au ciel et se fâche et se désolidarise. plus personne..
Je ne veux pas y aller, mes affaires ne sont pas prêtes, pourtant je n'ai pas travaillé, pas rangé, je ne suis pas sortie, je n'ai pas dormi. Ah si un peu dormi. Etendu une machine. Mangé. Je ne veux pas y aller, risquer d'être dans cet état alors que personne ne comprendra, voir qui n'a pas fait de cadeau, s'en fout, être mise face à ce délitement. Pourquoi j'ai été élevée dans une famille qui s'en fout et je ne m'en fous pas. Pour les cadeaux, pour l'apparence. Scindée, je sais ce qu'ils vont faire, ou je le pense, et je suis d'accord, et j'en souffre, et je m'en méprise.

Je déteste mon père pour ne pas réagir. Je déteste la façon dont il n'écoute pas, ne répond pas, t'oblige à répondre, répond à côté, dévie, ne comprend pas. Je déteste cette impossibilité de parler de ce que je voudrais, et je me déteste pour être du même bois. Je déteste cette manière d'être hautaine, de décider qu'on est pas concerné, de refuser d'aller consoler quelqu'un, de dire ce qu'on suppose qu'il faudrait. je me déteste à hurler quand je vois ces comportements. Je me déteste quand je suis agressive dans le vide, pas constructive, je déteste ces choses que je déteste chez lui et que je retrouve chez moi. Je me déteste pour être incapable de réagir, pour rester comme une larve dans des situations où je devrais "rebondir", je vois les autres qui avancent, je me déteste d'être incapable d'avancer, je me déteste de savoir à peu près ce que je veux mais d'attendre que ça se fasse parce que je ne sais pas par quel bout prendre le truc, c'est trop gros, ça me fait peur, c'est trop compliqué pour moi, faudrait que je me renseigne, je ne sais pas où, je me déteste de pleurnicher, je vois bien que je pense que tout m'est dû, que je n'ai pas à bouger quoi que ce soit pour que ça arrive, que je ne supporte pas la critique,, que je suis incapable de m'améliorer, que je suis encore là à gémir alors que les autres ont déjà réagi,. Et je ne veux pas faire d'effort, je ne veux pas essayer de dire, être un peu plus grande que l'autre en face et parler de ce qu'il faudrait parler, aller jusqu'au fond, essayer de dire ce qu'il voudrait entendre pour voir si ça aide. mais je ne pense pas en fait que ça aiderait, je vais juste être encore plus nue, nulle, vulnérable, avec lui qui fera une drôle de tête, j'ai peur de ça, je n'en peux plus  je pense que tout m'est dû
et puis ce qui aurait pu me réconforter qui ne marche pas. un nounours, mais ta gueule oui, tu sais d'où tu me parles, tu sais où tu me parles ? un nounours, mais je t'emmerde, tu peux pas me dire un truc pareil, tu sais pas où je suis, tu sais même pas, ce que tu insultes, sais même pas ce que tu m'insultes,, une capacité à s'ouvrir, une envie d'être ailleurs, d'être au chaud entre les bras de quelqu'un, de vivre quelque chose, mais TA GEULE,MAIS TA GUEULE de toute façon ton mépris est exaucé, ça ne débouche sur rien, encore rien, et je ne peux pas me coucher par terre pr le récupérer à tout prix, ce quelque chose qui aurait pu être quelque chose, j'ai besoin d'un peu de confiance , je cherche une insulte mais il n'y a rien qui me convienne, un nounours, que le tien crève.que ce que tu as vécu s'efface.
j'ai dû me relever, écrire, mes dents claquaient, j'ai toujours froid mais mes dents claquaient de pleurs, de tension, rictus du visage, du corps qui doit contenir le bruit, l'incompréhension, la souffrance aveugle, sans nom, sans explication, sans justification, qui est là. je me sens essoufflée, toujours, pauvre petite chose, faible, molle, sans résistance, sans endurance
je ne me souvenais plus que ça faisait aussi mal, de passer l'ongle sur la peau. la sentir rouler, et à force s'écorcher un peu, l'ongle court qui appuie, on croit sentir quelque chose. je suis impressionnée de nouveau, fallait-il que j'aille mal pour faire ça pendant des semaines. je ne me souvenais pas qu'il fallait repasser dix fois, vingt fois, ce n'est pas du sang qui sort mais un autre liquide, suintant, et il y aura une croute, si je me souviens bien. on verra demain. il y aura bien encore quelqu'un pour me dire que si j'en ai fais des visibles c'est pour me faire voir, connard, et alors, c'est pas comme si ça changeait votre réaction, hein, regarde bien.
voilà tout ce que je sais faire, j'agresse, l'autre répond, et je me tais.je me tais pour le voir fulminer. s'il ne fulmine pas je suis bien emmerdée. mais prendre sur moi et essayer de dire les choses non, c'est pas possible, ou c'est fini, trop long trop compliqué. trop dangereux. et je sais même pas faire en fait.
je voudrais que des gens insultent mes parents que 'insulte moi-même pour pouvoir insulter ces gens qui manquent de respect à mes parents. je voudrais qu'ils soient injustes et grossiers, cons, bêtes et méchant,s, quelqu'un, pour que je puisse lui casser les dents, lui retourner le bras jusqu'à ce qu'il casse, et le coude, l'épaule, les doigts avec les dents, le nez, le ventre, du sang partout. j'ai même des cibles, j'en ai des frissons de violences, des mouvements  brusques au fond de mon lit, de tout ce que je voudrais leur faire.
et puis ça pourrait me faire hurler de douleur, d'y penser et de le faire, mais je ne peux pas, à peine un gémissement qui franchi mes lèvres pour que personnes entende.
il y a deux ans j'ai passé 8 semaines à me labourer la main gauche et personne ne s'est assis pour m'écouter. je l'ai fait en public, devant le psy, devant la famille et une cousine, dans une soutenance de thèse, dans un bar. je me suis fait engueuler après coup, mes parents ont demandé poliment s'ils pouvaient faire quelque chose, on m'a redonné des médicaments.
j'en espère encore moins.

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